RÉACTEUR N°1 DU TRICASTIN : STOP OU ENCORE ?      L'enquête publique sur la demande d'EDF de prolonger la durée de vie à 50 ans du réacteur n°1 aura lieu du 13 janvier au 14 février 2022.

15/12/2021


Pourquoi une Enquête Publique ?

En France, le code de l'environnement prévoit que les réacteurs électronucléaires doivent faire l'objet d'un réexamen approfondi tous les 10 ans dont les objectifs sont :

- d'apprécier la situation de l'installation au regard des règles qui lui sont applicables ;


-d'actualiser l'appréciation des risques ou inconvénients que peut présenter l'installation pour les intérêts visés à l'article L.593-1 du code de l'environnement (la sécurité, la santé et la salubrité publiques ou la protection de la nature et de l'environnement) en prenant en compte les meilleures pratiques internationales.

Au-delà de la 35ème année de fonctionnement d'un réacteur, les dispositions proposées par l'exploitant - pour remédier aux anomalies constatées ou pour améliorer la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 593-1 du code de l'environnement - lors des réexamens sont soumises, après enquête publique, à la procédure d'autorisation par l'ASN mentionnée à l'article L. 593-15 du code de l'environnement.

La visite décennale des 40 ans du réacteur de Tricastin 1 s'est déroulée du 01/06/19 au 23/12/19. Durant cette VD4 la majeure partie des améliorations de sureté a été déployée.

EDF ayant remis son rapport de conclusion de réexamen du réacteur à l'ASN, l'enquête publique doit permettre au public de se prononcer sur les conditions de la poursuite de son fonctionnement à l'issue du réexamen.

Quelle importance pour EDF ?

Pour EDF la prolongation à 50 ans du réacteur n°1 du Tricastin est un enjeu majeur, car c'est la "tête de pont " d'une série de 32 réacteurs de 900MW.

Mais un cadre de la centrale vient de lancer un pavé dans la mare en portant plainte contre EDF et la direction du site nucléaire auprès du tribunal de Paris pour « mise en danger de la vie d'autrui ».

Le 12 novembre 2021, Le journal Le Monde * a dévoilé la plainte déposée par un ingénieur d'EDF au sujet d'une grave affaire de dissimulation d'incidents et d'écarts en matière de sureté et d'intimidation pour l'empêcher d'en faire état.

Ce lanceur d'alerte nous apprend que tout a été fait pour donner la meilleure image possible de la centrale et de ce réacteur avant la visite décennale des 40 ans, quitte à passer sous silence ou à minimiser certains incidents au mépris des règles fondamentales de sureté.

Quelle importance pour les habitants de la vallée du Rhône, et d'ailleurs ?

En cas d'incident grave ou d'accident au Tricastin, toute la région serait évacuée, nos maisons, nos jardins, nos commerces, nos champs et nos vignes contaminés.

La vallée du Rhône serait sinistrée et l'axe Paris Lyon Marseille coupé sans retour à la normale possible comme l'ont montré Tchernobyl et Fukushima.

Or de notre point de vue la prolongation de ce vieux réacteur avec la vingtaine de fissures de sa cuve et des incidents qui surviennent régulièrement ( 44 incidents relevés par l'ASN entre 2010 et 2020)** rend le risque d'accident de plus en plus probable.

Nos critiques sur les modalités de cette Enquête Publique

-Le périmètre de l'enquête publique, défini par le préfet de la Drôme, est de

5 km autour de la centrale alors que le PPI (zone à évacuer en cas d'incident, vient d'être porté à 20 km) ce qui est notoirement insuffisant, à Tchernobyl et Fukushima les nuages radio-actifs ont parcouru des centaines de km.

En outre les études menées régulièrement par l'IRSN sur l'image du nucléaire autour des centrales met en évidence le fait que plus on habite prés du site et plus on est favorable au nucléaire (emplois et retombées économiques).

-EDF et l'ASN ont estimé inutile une évaluation environnementale en indiquant que les modifications et travaux effectués pendant la VD4 amélioraient la protection des intérêts mentionnés à l'article L.593-1, dont font partie la nature et l 'environnement.

Pourquoi nous ne croyons pas que les améliorations de sureté faites par EDF pendant la VD4 permettent la poursuite du fonctionnement du réacteur n°1 :

1-La cuve est fragilisée par une vingtaine de fissures dont nous ne connaissons pas l'évolution depuis 40 ans qu'elles existent etl'introduction d'hafnium, un matériau absorbeur de neutrons, dans les assemblages du réacteur de Tricastin 1, en face des zones de la cuve les plus irradiées par les neutrons, permettant de réduire la fluence neutronique (flux de neutrons intégré dans la durée de fonctionnement du réacteur) vue par la cuve et donc de réduire la fragilisation de la cuve sous irradiation n'est pas une garantie absolue.

2- L'impact du séisme du TEIL sur la définition de l'aléa sismique du site nucléaire du Tricastin n'est pas connu à ce jour.

La digue en terre du canal de Donzére -Mondragon est fragile, elle a été consolidée à plusieurs reprises, mais est ce suffisant ? Résistera elle à un nouveau séisme supérieur à celui du Teil ? Que se passerait il si les réacteurs étaient noyés, entrainant une fonte des cœurs comme à Fukushima ?

Tous Tous les équipements d'un réacteur sont dimensionnés pour résister à un niveau de séisme défini. Dans le cas ou le niveau de séisme serait relevé après les travaux en cours de l'IRSN et du CNRS , il faudra aussi contrôler si les équipements du réacteur résisteront à ce nouveau niveau de séisme. Celà devrait être fait avant la décision éventuelle de prolongation à 50 ans pour des raisons évidentes de sureté.

3- En cas d'accident avec fusion du cœur du réacteur comme à Fukushima, l'installation d'un « stabilisateur « du corium ( dispositif en fond de réacteur pour étaler à sec le cœur fondu sur le radier dans le bâtiment réacteur avant son renoyage passif par l'eau stockée dans les puisards) devrait permettre d'éviter le percement du radier ...

Nous n'avons aucune garantie de la résistance et de l'éfficacité de ce stabilisateur de corium experimental qui a seulement été testé en laboratoire.

Comment va t 'il résister à la chaleur d'un magma de 2500 à 3000 degrés résultant de la fusion des élements du coeur qui peut faire fondre l'acier et le béton , percer la cuve et le radier avant d'amorcer sa descente dans le sol géologique et vers la nappe phréatique avec un risque majeur d'explosion ?

4-EDF a installé des Diesel d'Ultime Secours (DUS) qui constituent une source électrique additionnelle. Ils sont l'ultime rempart contre la fusion du cœur du réacteur en cas de perte de la source de refroidissement car ils permettent l'alimentation électrique en 220V de divers appareils utiles en gestion de crise (notamment: appareils de télécommunication, équipements de protection individuelle ou collective).

Mais dans une série d'articles récents Le Canard enchaîné signale des faits préoccupants . Ces nouveaux diesels d'ultime secours installés sur les centrales françaises sont concernés par un problème d'huile qui a déclenché des feux sur 9 des 20 machines installées lors de tests de démarrage. Un rapport américain dénonçait déjà ces avaries mais EDF semble ne pas en avoir tenu compte.

Ces incendies se produiraient au démarrage de ces moteurs ; seront ils vraiment opérationnels en cas d'extrême urgence où le temps est compté ?

5- Les piscines de refroidissement des combustibles usés ne sont pas bunkérisées .

Dans le contexte contemporain, la résistance des piscines de combustible usé et très radioactif face au risque de chute d'un avion ou d'un attentat terroriste est critique. Elles n'ont pas été conçues pour résister à des actes de malveillance (du type chute d'avion, missiles, etc). Alors qu'elles peuvent contenir jusqu'à plusieurs centaines de tonnes de combustible encore très chaud et radioactif, elles ne sont ni dotées d'une enceinte de confinement ni d'une coque avion. Une brèche dans la paroi d'une piscine peut provoquer une catastrophe nucléaire majeure, avec des conséquences très lourdes pour les populations et l'environnement, pouvant même être supérieures aux conséquences d'un accident sur un réacteur. Pourtant, le confinement des piscines de combustible situées au pied de chaque réacteur nucléaire n'est pas prévu à Tricastin. À la place, l'ASN et EDF se sont accordés sur la mise en place de mesures complémentaires pour compenser une perte d'eau froide en cas de brèche et de dénoyage de la piscine, c'est un dispositif de refroidissement mobile qui sera amené sur site par la FARN (Force d'Action Rapide Nucléaire) et qui prélèvera l'eau nécessaire dans la nappe souterraine. Il s'agit là d'une « mesure compensatoire » qui n'offre absolument pas les mêmes garanties qu'une enceinte de confinement.

Comment donner votre avis ?

-Si vous habitez dans le PPI (20 km autour de la centrale) informez vous dans votre mairie et/ou passez voir le commissaire enquêteur à sa permanence ( la liste des permanences est publiée sur notre site WEB stop-tricastin .fr à la rubrique « agenda »).

-Si vous habitez ailleurs, vous pourrez envoyer vos commentaires par e-mail à partir du 13 janvier prochain sur le site dédié à l'enquête publique : enquete-publique-2797@registre-dematerialise.fr, avec mention en objet du titre de l'enquête publique, à l'intention de Monsieur Bernard Brun, Président de la commission d'enquête.

Pour notre part nous allons remettre au commissaire enquêteur notre pétition , signée par 45 000 personnes , qui demande déjà l'arrêt immédiat du réacteur n°1.

*Nucléaire : les révélations d'un lanceur d'alerte sur la centrale .Publié le 17 Novembre 2021 dans le journal Le Monde

** La sureté de la centrale du Tricastin à l'aube de sa quatrième visite décennale.

Bernard Laponche - 7 janvier 2021