NégaWatt dessine une France sans fossiles et sans nucléaire

La meilleure énergie, la moins chére et la moins polluante est celle que l'on utilise pas

La Tribune de Montélimar le 1/12 2022

L'association négaWatt envisage une France décarbonée et sans nucléaire dans trente ans. Pour y arriver, elle mise sur une réduction de la consommation, une rénovation massive et performante des bâtiments , des transformations dans les transports, l'industrie et l'agriculture et un fort développement des énergies renouvelables.

À l'initiative du comité local ATTAC Montélimar un débat sur la transition énergétique a eu lieu mercredi 23 novembre à la salle Saint Martin autour du scénario Négawatt 2022/2050

Devant une centaine de personnes l'ingénieur Thierry Rieser , spécialiste de la rénovation énergetique des batiments a développé les 3 piliers de ce scénario , la sobriété, l'efficacité energétique et le développement des énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

L'idée de base est de réduire à la source nos besoins en énergie grace à des changements de comportements collectifs (favoriser le vélo, même électrique, baisser le chauffage à 19°, réduire la vitesse à 110km sur autoroute,manger moins de viande ...), et de diminuer la quantité d'énergie nécessaire à la satisfaction de certains besoins grace à des innovations techniques (par exemple en isolant de façon performante les batiments ou en améliorant le rendement des moteurs électriques).

La consommation énergetique ainsi divisée par deux pourrait alors être satisfaite par le seul recours aux énergies renouvelables (solaire , éolien, biomasse, hydraulique ) combinées entre elles .

La rénovation énergetique des batiments, un enjeu majeur

Dans le secteur du batiment qui représente à lui seul 44% de l'énergie consommée , Négawatt propose d'accélerer sur la rénovation énergetique.

En France 7,2 millions de logements sont des passoires thermiques.

Sur les 750 000 financements debloqués en 2021 auprés de l'agence nationale de l'habitat (Anah) , les trois quart des actions ont consisté en un simple changement du mode de chauffage, notamment pour des poêles à granulés ou des pompes à chaleur.

Seulement 50.000 logements sont labellisés BBC alors qu'il en faudrait 700.000 à l'horizon 2030.

Pour Thierry Rieser ces rénovations par geste sont assez peu performantes, il propose plutôt une rénovation globale pour passer de F ou G directement à A .

Une rénovation performante permet de diviser par 4 la facture de chauffage .

Il cite comme modéle une filiale de Négawatt, DOREMI(dispositif opérationnel de rénovation énergetique de maisons individuelles) qui propose une rénovation globale, planifiée et accompagnée dans la Biovallée prés de Crest.

La production d'énergie

L'éolien, le photovoltaique, l'hydraulique , le bois et le biogaz(produit par méthanisation) seraient les principales sources d'énergie utilisées.

Pour compenser leur intermittence , les excedents de production éolienne et solaire lors des périodes de surproduction pourraient permettre de produire de l'hydrogéne par électrolyse de l'eau , puis eventuellement du biométhane (méthode dite "power to gas") qui serait utilisé plus tard pour produire par co-géneration de l'eau chaude pour le chauffage urbain ou à nouveau de l'électricité.

L'utilisation de pétrole serait résiduelle et ne servirait plus qu'à produire certaines matiéres premiéres.

Le nucléaire serait progressivement abandonné à cause des risques et des déchets . Aucune centrale ne serait prolongée au delà de 50 ans et un plan massif de reconversion des travailleurs devrait être mis en place vers de nouvelles filiéres et le démantélement.

Aprés avoir répondu aux nombreuses questions de la salle Thierry Rieser a conclu ainsi « Ce scénario est un projet de société plus durable et plus équitable. Nous travaillons sur la base de valeurs, de la justice sociale, de solidarité, de démocratie, pour les traduire en actions et répondre au défi écologique. »

   Centrales nucléaires : EDF face au défi des canicules

                           article d'Emilie Massemin dans REPORTERRE le 5 juillet 2022

La centrale en circuit ouvert du Tricastin ,crédit photo:  Marianne Casamance / Wikimedia Commons

Le retour attendu des hautes températures va mettre au défi l’incessant besoin de refroidissement par l’eau des réacteurs nucléaires. EDF assure être prêt, mais plusieurs centrales sont déjà sous haute surveillance.Alors que le mercure s’apprête à grimper dans les prochains jours, six centrales nucléaires sont particulièrement sous surveillance, a indiqué EDF mardi 6 juillet lors d’une conférence de presse : Golfech (Tarn-et-Garonne), Le Blayais (Gironde), Bugey (Ain), Saint-Alban (Isère), Tricastin (Drôme) et Chooz (Ardennes). En juin, Saint-Alban tournait déjà au ralenti à cause de l’élévation de la température de l’eau du Rhône. Le parc est néanmoins « prêt et résilient » pour faire face à la situation, a assuré le groupe.  Pourquoi les réacteurs nucléaires sont-ils si sensibles à la sécheresse et aux fortes chaleurs ? La faute à leur soif inextinguible. Ces installations doivent être refroidies en permanence pour pouvoir fonctionner en toute sûreté. Elles ont donc été construites en bord de mer ou aux abords de fleuves ou de rivières, où elles puisent d’importantes quantités d’eau qu’elles rejettent soit directement, en totalité et très chaudes (dans le cas d’un refroidissement en circuit ouvert), soit après évaporation partielle et abaissement de la température dans des tours aéroréfrigérantes (en circuit fermé).                                                                                                                                                            Les prélèvements sont de l’ordre de cinquante mètres cubes par seconde pour un circuit ouvert et de deux mètres cubes par seconde pour un fermé. « L’énergie représente une part importante du prélèvement en eau en France, mais la très grande partie de l’eau est restituée immédiatement et au même endroit, relativise Cécile Laugier, directrice Prospective et environnement de la direction production nucléaire d’EDF. Et elle ne représente que 22 % de la consommation, et seulement 9 % pendant la période critique de l’été. »Si le groupe est parfois contraint de modérer la puissance de ses réacteurs voire de les arrêter, ce n’est pas par manque d’eau mais par respect de normes environnementales, indique-t-elle aussi. Car en rejetant de l’eau plus chaude dans les cours d’eau, les centrales contribuent à l’augmentation de leur température. « L’administration a fixé des limites d’échauffement spécifiques à chaque site, en fonction de leurs caractéristiques — présence d’espèces protégées… — déterminées par des études d’impact », explique Cécile Laugier. Le seuil de réchauffement à ne pas dépasser a ainsi été fixé à 1 °C pour les centrales en circuit fermé de bord de Loire de Dampierre (Loiret), Belleville (Cher) et Chinon (Indre-et-Loire), et jusqu’à 6 °C pour la centrale en circuit ouvert du Tricastin. « Ce sont ces limites qui nous conduisent à procéder à des ajustements de puissance pour respecter l’environnement », poursuit la directrice Prospective et environnement.                                          Des exceptions ont néanmoins été instaurées après la canicule de 2003. Cet été-là, quatorze réacteurs s’étaient retrouvés à l’arrêt alors que la France devait trouver d’urgence 2 800 mégawatts de puissance supplémentaire pour faire tourner ventilateurs et climatiseurs. « Pour limiter le risque sur l’approvisionnement électrique, les pouvoirs publics ont instauré plusieurs régimes gradués », raconte Cécile Laugier. Concrètement, si la température du cours d’eau frôle ou dépasse la température limite mais que le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE insiste par écrit sur l’importance de produire de l’électricité, la centrale peut bénéficier d’un assouplissement. Par exemple, aux abords de la centrale du Tricastin, la température de l’eau autorisée en aval s’établit alors à 29 °C au lieu de 28 °C habituellement. Mais le recours à ce régime d’exception est rare, assure la directrice Prospective et environnement : « Elle a été utilisée pendant trente-six heures à Golfech en 2018 et s’accompagne d’une surveillance environnementale renforcée. »                                                                                                                           Par ailleurs, EDF indique avoir adapté ses réacteurs pour qu’ils résistent au mieux aux fortes chaleurs. « Le danger est qu’il fasse trop chaud dans certaines pièces et que cela provoque la défaillance de certaines pièces, par exemple de pompes, explique Hervé Cordier, chef de groupe à la direction de l’Ingénierie et projets nouveau nucléaire. Pour pallier ce risque, nous avons ajouté des groupes froids à certains endroits de certaines centrales et augmenté la taille de certains échangeurs de chaleur pour assurer des températures plus basses dans les locaux. » Ces travaux ont été intégrés dans le paquet du « grand carénage », un programme de rénovation et de modernisation des centrales engagé en 2014 et qui doit se poursuivre jusqu’en 2025. Coût spécifique des aménagements liés à la gestion des vagues de chaleur, « plusieurs centaines de millions d’euros », évalue Cécile Laugier.                                                                    Un discours rassurant qui ne fait pas l’unanimitéPour l’heure, les conséquences des canicules restent limitées, assure EDF. « La perte de production liée à la chaleur représente 0,3 % en moyenne de la production nucléaire totale et n’a pas dépassé 1 % même les années où le phénomène était très marqué comme en 2018, 2019 et 2020 », indique la directrice Prospective et environnement. Quant au parc, il est dimensionné pour résister aux températures maximales envisagées dans le cadre du changement climatique « pour 2050 pour le parc existant et pour 2100 pour les réacteurs à venir », précise Hervé Cordier. « On n’a pas de limitation au niveau des lieux d’implantation qui soit liée à des problèmes d’aléas climatiques. On pourra installer de nouveaux réacteurs sur n’importe quel lieu existant », rassure ce dernier.                                                                                                                                                              Un discours à rebours de celui de plusieurs experts qui se sont précédemment exprimés sur ce sujet. Dans son rapport Futurs 2050 paru fin 2021, RTE alertait sur les risques que des vagues de chaleur de plus en plus longues et intenses vont faire peser sur le parc nucléaire : « Les centrales nucléaires existantes situées en bord de fleuve seront plus régulièrement affectées par des périodes de forte chaleur et de sécheresse : même si les volumes d’énergie perdue resteront faibles à l’échelle annuelle, ceux-ci pourraient toutefois concerner des puissances significatives. La sensibilité des nouveaux réacteurs nucléaires à ces aléas climatiques pourra être minimisée en privilégiant certains sites (en bord de mer ou en bord de fleuves faiblement contraints en matière de débits et de température seuil) et grâce aux aéroréfrigérants imposés pour les futures centrales en bord de fleuve. » 

        SAINT-PAUL-TROIS CHÂTEAUX (DRÔME)

Risque de corrosion : Greenpeace demande des contrôles à la centrale

                      Article de Marie Gomez dans le dauphiné Libéré du 7 avril 2022

« Allez-vous contrôler le réacteur 1 du Tricastin ? » : c'est la question posée par le représentant local de Greenpeace au gendarme du nucléaire, ce lundi 4 avril, lors d'une réunion de travail à la CLIGEET Archives photo Le DL

Les réacteurs de la centrale du Tricastin feront-ils l'objet de contrôles concernant des problèmes de corrosion, détectés fin 2021 sur d'autres centrales de France ? Telle était la question posée par Alain Volle, représentant de Greenpeace, lors d'une réunion de travail ce lundi 4 avril.

« Il n'y a pas de menace de corrosion sur les réacteurs du Tricastin », indiquait Cédrick Hausseguy, directeur de la centrale du Tricastin, dans Le Dauphiné libéré le 16 mars dernier. Une affirmation qui ne satisfait pas Alain Volle, membre de Greenpeace et représentant de l'association antinucléaire au sein de la commission locale d'information des grands équipements énergétiques du Tricastin (Cligeet), réunie ce lundi 4 avril à Valence, pour une réunion de travail*.

Alors que des problèmes de corrosion sous contrainte ont été identifiés dans plusieurs centrales nucléaires en France fin 2021 (notamment à Civaux, dans la Vienne et à Chooz, dans les Ardennes), le militant antinucléaire s'est inquiété de savoir si le site de Tricastin allait faire l'objet de contrôles préventifs. Et ce, notamment, à l'heure où le réacteur 1 de cette centrale, basée à Saint- Paul-Trois-Châteaux (Sud-Drôme), qui a passé sa visite décennale en 2019, devrait recevoir d'ici fin 2022 l'autorisation, ou non, de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de continuer à fonctionner pour dix années supplémentaires.

« Sur les réacteurs des centrales concernées, cette corrosion a été détectée sur différents circuits situés dans l'installation nucléaire, indique Alain Volle. Dont un, notamment, appelé "circuit d'injection de sécurité" et qui, comme l'indique l'institut de radioprotection de sûreté nucléaire, permet d'injecter de l'eau borée [le bore, un élément chimique, NDLR] dans le cœur du réacteur afin de stopper la réaction nucléaire et de maintenir le volume d'eau dans le circuit primaire en cas d'accident de perte de réfrigérant primaire. »

À cette occasion, le représentant de Greenpeace s'est donc adressé, ce lundi, à l'ASN en ces termes : « Allez-vous contrôler le réacteur 1 du Tricastin ? » Ce à quoi le gendarme du nucléaire aurait indiqué que des examens seraient réalisés à compter de septembre 2022 sur l'ensemble des réacteurs du parc nucléaire français, dont ceux du Tricastin.

Par ailleurs, le représentant de Greenpeace s'inquiétait du devenir du réacteur 1, si jamais l'ASN autorisait sa prolongation de fonctionnement et que des problèmes de corrosion étaient découverts ultérieurement. Selon Alain Volle, l'ASN aurait indiqué que si de tels problèmes étaient découverts, elle demanderait immédiatement la mise à l'arrêt du réacteur.

(*) À la différence des séances plénières de la Cligeet, les réunions de travail ne sont pas ouvertes à la presse. Un compte rendu de cette réunion de travail sera restitué oralement par un rapporteur lors de la tenue de la prochaine réunion plénière, en juin. Sollicités par Le Dauphiné libéré , ni l'ASN ni EDF n'ont souhaité s'exprimer sur cette réunion de travail à huis clos.


                                              SAINT-PAUL-TROIS-CHÂTEAUX
                Le collectif Stop Tricastin remet une pétition au commissaire enquêteur

                                         Article du Dauphiné Libéré du 29/01/2022

Les représentants du collectif Stop Tricastin sont venus remettre une pétition ayant recueilli plus de 45000 signatures au commissaire enquêteur.

Depuis le 13 janvier se déroule une enquête publique concernant les dispositions

proposées par EDF lors du réexamen périodique au-delà de la 35e année de fonctionnement du réacteur n° 1 du centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) du Tricastin. Jeudi 27 janvier a eu lieu, à la mairie de Saint-Paul-Trois-

Châteaux, la 2e permanence des commissaires enquêteurs qui permet de recevoir les observations du public (les prochaines permanences auront lieu le 5 février de 9 à 12 heures et le 14 février de 14 h 30 à 17 h 30). Cette permanence était assurée par le président de la commission d'enquête, Bernard Brun.

À cette occasion, une dizaine de membres du Collectif Stop Tricastin, est venue remettre la pétition signée par 45 210 personnes demandant la fermeture du réacteur n° 1 de la centrale. « Nous avons remis notre pétition au président de la commission d'enquête publique qui l'a acceptée. La discussion a été bonne avec un homme ouvert et cordial à qui nous avons exprimé nos craintes et formulé toutes les raisons qui font que nous ne croyons pas que les améliorations de sûreté faites par EDF pendant la visite décennale des 40 ans permettent la poursuite du fonctionnement de ce réacteur n° 1 », a expliqué Alain Volle, porte-parole du collectif Stop Tricastin et représentant de Greenpeace à la Cligeet (Commission locale d'information des grands équipements énergétiques du Tricastin).

Dans cette pétition, le collectif Stop Tricastin dénonce entre autres la dangerosité du réacteur n° 1 avec une vingtaine de fissures dans sa cuve, la limite du périmètre (fixé à 5 kilomètres) de l'enquête publique alors que la zone à évacuer en cas d'incident est de 20 kilomètres, l'absence de garantie quant à la résistance et l'efficacité du stabilisateur au corium (dispositif en fond de réacteur qui devrait permettre d'éviter le percement du radier en cas d'accident avec fusion du cœur du réacteur), des problèmes sur les diesels d'ultime secours (source électrique additionnelle).

SAINT-PAUL-TROIS-CHATEAUX (DRÔME)

 Enquête publique sur le réacteur n° 1 : quels enjeux pour la centrale du Tricastin ? 

Marie GOMEZ dans le Dauphiné Libéré le 12/1/2022

Le réacteur n° 1 du Tricastin à l'épreuve de la quatrième visite décennale, en juin 2019. Jeudi 13 janvier s'ouvrira l'enquête publique quant à la prolongation du réacteur n° 1 de la centrale nucléaire du Tricastin, qui a dépassé les 40 ans d'activité. Décryptage avec Richard Escoffier, chef du pôle réacteurs de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de la division de Lyon. 

Archives photo Le DL /Fabrice AN

• 1. Pourquoi le réacteur numéro un de la centrale du Tricastin fait l'objet d'une enquête publique ? Le Code de l'environnement impose la tenue d'une enquête publique pour tous es projets qui impliquent un impact sur l'environnement. Le réacteur n° 1 de la centrale nucléaire du Tricastin vient de passer le cap des 40 ans de fonctionnement. Il a fait l'objet, entre juin et décembre 2019, de sa quatrième visite décennale, sorte de « gros contrôle technique approfondi », explique Richard Escoffier, chef du pôle réacteurs à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de la division de Lyon. En 2020, EDF a remis à l'ASN un dossier de conclusions de réexamen contenant un certain nombre de dispositions que l'électricien public s'engage à mettre en place. Ces dernières seront soumises à enquête publique avant que le gendarme du nucléaire ne tranche la question de la prolongation du fonctionnement du réacteur n° 1 pour dix ans. 

• 2. Quels éléments pourront être consultés par la population pendant l'enquête ? L'enquête publique permet à tout citoyen de poser des questions, formuler des remarques ou des observations sur un sujet donné auprès de commissaires enquêteurs. En l'espèce, un document de quelques dizaines de pages, disponible dans les mairies des communes alentour ou sur internet, sera soumis au public intéressé , du jeudi 13 janvier au lundi 14 février. Il contient les dispositions qu'EDF s'engage à mettre en œuvre pour pouvoir poursuivre l'activité du réacteur n° 1. « Une partie de ces dispositions a déjà commencé à être mise en place par EDF, explique Richard Escoffier. Il s'agit principalement de mesures visant à rehausser la sûreté des installations, comme l'ajout d'un nouveau système de refroidissement à l'intérieur de l'enceinte, par exemple. »

• 3. Avant l'enquête, l'ASN a autorisé des « modifications génériques ». De quoi s'agit-il ? En février 2021, l'Autorité de sûreté nucléaire a donné son autorisation pour permettre à l'exploitant d'opérer des modifications génériques, c'est-à-dire communes aux 32 réacteurs de 900 mégawatts du parc nucléaire français. « Cette autorisation est là pour dire que ce modèle de réacteur peut encore fonctionner pour dix ans. Mais ce n'est pas parce que le modèle peut faire dix ans de plus qu'on ne va pas trouver des défauts. » Il ne s'agit donc que d'une étape avant d'obtenir, ou non, l'autorisation de prolonger le fonctionnement du réacteur. « Ensuite, on fera un examen, réacteur par réacteur. Les différences entre chacun tiennent surtout à la spécificité de l'environnement, poursuit Richard Escoffier. Par exemple, pour une centrale au bord de la mer, on va étudier les vagues. Si elle est au bord d'une rivière, l'examen portera sur la digue. »

 • 4. Quand saura-t-on si le fonctionnement du réacteur n° 1 peut être prolongé ? Une fois l'enquête publique terminée, l'ASN en prendra connaissance. Elle organisera des inspections et lancera également des expertises réalisées par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), avant de rendre son verdict en fin d'année 2022. « La question posée à l'ASN, ce n'est pas tant de savoir si oui ou non on prolonge le fonctionnement du réacteur mais si la sûreté de celui-ci permet sa prolongation pour les dix prochaines années », explique le chef de pôle. Si l'électricien public obtient cette autorisation pour le réacteur n° 1 du Tricastin, il aura jusqu'en 2026 pour intégrer toutes ces modifications. 


Centrale nucléaire du Tricastin : après la plainte contre EDF, un débat vif sur la question de la transparence

Un hasard du calendrier. Deux semaines après la révélation de la plainte d'un ancien cadre de la centrale nucléaire du Tricastin contre EDF, s'est tenue la commission locale d'information (CLIGEET).     La question de la transparence a notamment été au cœur des débats.

Par Robin CHARBONNIER - 25 nov. 2021 dans le Dauphiné Libéré

Peut-on faire confiance à des gens qui trichent ? » Le représentant local de Greenpeace, Alain Volle, a pilonné la direction de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme), lors de la commission locale d'information du Tricastin (Cligeet), qui s'est tenue jeudi 25 novembre à Valence. Il a profité de la révélation de la plainte d'un ancien cadre contre EDF, il y a deux semaines ( Le Dauphiné Libéré du 13 novembre ), pour mettre en cause la fiabilité des informations transmises par EDF.

« À la Cligeet, on n'est pas là pour raconter des histoires de Bisounours », a ajouté le militant antinucléaire.

Roland Desbordes, fondateur de la Criirad*, est aussi monté au créneau : « Il y a des trous dans la raquette. » Et de réclamer une « réunion extraordinaire » afin de revoir « la question de la fiabilité des informations données » lors des séances plénières de la Cligeet.

En face, le directeur de la centrale nucléaire du Tricastin, Cédrick Hausseguy, a argumenté pour « démentir formellement » toute dissimulation d'incidents : « Je suis choqué et surpris par certains propos. Nous pouvons avoir des points de vue différents, mais, en aucun cas, je peux cautionner des déclarations qui remettent en cause la transparence. »

« EDF a un engagement très important sur la sûreté et la transparence »

Et d'ajouter : « Nous avons une filière indépendante de sûreté, soit une vingtaine d'ingénieurs à Tricastin, qui peut interpeller la direction s'il faut réanalyser des événements ( lire aussi Le Dauphiné Libéré du 24 novembre , NDLR). » Il a été rejoint par le représentant FO de la centrale : « On a des points d'achoppement avec la direction sur le montant des salaires, mais j'assure qu'EDF a un engagement très important sur la sûreté et la transparence. »

De son côté, le gendarme du nucléaire s'est défendu de toute connivence avec l'exploitant : « L'Autorité de sûreté nucléaire(ASN) n'a pas dit que tout allait bien ces dernières années à Tricastin. Par exemple, à l'automne 2018, on a constaté une fragilité de l'exploitation. On reste vigilante en permanence », a précisé Richard Escoffier, chef du pôle des réacteurs à eau pressurisée à l'ASN. À la demande de la CFDT, il a aussi détaillé comment le gendarme du nucléaire réalisait les contrôles sur les centrales.


Ce débat sur la sûreté et la transparence devrait revenir début 2022, lors de l'enquête publique sur le réacteur 1 de la centrale. C'est le premier du parc nucléaire français à avoir passé la visite des 40 ans.Les pouvoirs du gendarme du nucléaire renforcés

« On va au-delà des chiffres. Il y a des audits, des évaluations précises, approfondies avec des visites sur le terrain et des entretiens avec les salariés. » À la demande de la CFDT, Richard Escoffier, chef du pôle des réacteurs à eau pressurisée à l'autorité de sûreté nucléaire (ASN), a expliqué comment les contrôles étaient réalisés sur les sites nucléaires, dont les centrales, notamment quand un « événement » était déclaré par l'exploitant.

« En général, on a un échange téléphonique. Puis, dans un délai de 48 heures maximum, on reçoit la déclaration de cet événement et on l'analyse. On peut parfois envoyer une équipe d'inspecteurs sur place pour mieux comprendre ce qui s'est passé. » Et s'il y a des « écarts répétitifs » avec la réglementation, des inspection

Sanctions financières

Depuis la loi sur la transition énergétique, les pouvoirs de l'autorité de sûreté nucléaire ont été renforcés. L'ASN a désormais la possibilité de décider d'« astreintes journalières » si des exploitants comme EDF tardent à respecter des préconisations. En clair, des sanctions financières, qui ont pour but d'être dissuasives, peuvent être mises en place.s « dédiées » sont prévues.

Une plateforme pour les lanceurs d'alerte

Fin 2018, le gendarme du nucléaire a mis en place « un dispositif de signalements » sur son site internet (asn.fr). « On a reçu pour l'instant 134 signalements. Un service les traite systématiquement, tient un registre et interagit avec les inspecteurs pour vérifier la teneur de ces signalements », précise Richard Escoffier.

Nouveau renforcement de la digue

C'était un coup de tonnerre dans le secteur du nucléaire. En septembre 2017, l'ASN (autorité de sûreté nucléaire) a fait arrêter les quatre réacteurs de 900 mégawatts de la centrale du Tricastin. Pour le gendarme du nucléaire, EDF avait trop traîné pour renforcer la digue afin de faire face à un puissant séisme. Après des premiers travaux réalisés en urgence, la deuxième phase du chantier est menée depuis la semaine dernière. Il s'agit de « créer des colonnes ballastées » pour monter encore le niveau de sûreté en cas de tremblement de terre.

« Je suis la présidente d'une CLI, pas d'un tribunal »

La Criirad a demandé, via une lettre, à la présidente de la Cliiget, Marie-Pierre Mouton, d'organiser une réunion spéciale pour auditionner le cadre qui a porté plainte contre EDF. Ce qu'a refusé l'élue LR : « Je suis la présidente d'une CLI, pas d'un tribunal. »

 La Criirad est la commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité, basée à Valence.

Un rapport interne du gouvernement remet en question les données de RTE sur les nouveaux EPR - Relancer le nucléaire est décidément le plus sûr moyen de fragiliser l'atteinte de nos objectifs climatiques !

Communiqué du Réseau Sortir du Nucléaire le  28 octobre 2021

Le 25 octobre, RTE a dévoilé ses scénarii « Futur énergétique 2050 », présentant des trajectoires allant d'un système 100 % renouvelable à une relance forte du nucléaire. Ce rapport confirme la faisabilité technique du 100 % renouvelable, sans rupture d'approvisionnement et en compatibilité avec les objectifs climatiques, mais présente cette voie comme plus coûteuse que des scénarii de relance du nucléaire

Cette conclusion, en décalage avec ce que l'on peut observer au niveau mondial, nous apparaissait comme le résultat d'un certain nombre de biais méthodologiques dans l'évaluation économique (voir notre communiqué). Surtout, nous interrogions la capacité de l'industrie nucléaire à tenir ses promesses et à fournir de nouveaux réacteurs sans malfaçons ni retards.

Le 26 octobre, Barbara Pompili a confirmé l'imminence d'une décision d'Emmanuel Macron sur le lancement de six nouveaux EPR, cette décision étant tributaire des enseignements d'un rapport de Bercy et de la Direction Générale de l'Énergie et du Climat censé paraître prochainement. Or des éléments de ce rapport, dévoilés par Contexte.com puis par l'Usine Nouvelle ce 27 octobre, viennent remettre en question plusieurs données concernant le nouveau nucléaire, dont certaines posent la question de la validité des conclusions de RTE.

Ainsi, EDF postulait début 2020 un coût de 46 milliards d'euros pour la construction de 6 réacteurs EPR2. Mais selon les auteurs du rapport, celui-ci pourrait atteindre entre 52 et 57 milliards d'euros, voire 64 milliards dans un scénario « dégradé ». Ce chiffrage ne saurait d'ailleurs être tenu pour définitif, du fait de nombreuses incertitudes. Ils soulignent également qu'EDF n'a pas tenu compte du risque de surcoût découlant de la découverte tardive de défauts sur le chantier, comme ce fut le cas pour l'EPR de Flamanville.

Surtout, alors que RTE prévoit une mise en service de la première paire de réacteurs en 2035, l'administration table sur un raccordement au réseau électrique au plus tôt en 2040, voire 2042-43... ou même 2045 dans un scénario fortement dégradé. La longueur de la phase de conception aurait été sous-estimée et les hypothèses de durée du chantier apparaissent beaucoup trop optimistes au regard de celles des EPR les plus récents.

Alors que RTE ne cesse - à raison - de marteler que l'atteinte des objectifs climatiques dans les temps constitue un défi redoutable, ces données viennent sérieusement remettre en question la compatibilité des scénarii de relance du nucléaire avec les échéances fixées.

Nous le répétons : miser sur de nouveaux réacteurs, susceptibles de connaître malfaçons, retards importants et surcoûts, est la plus sûre manière de rater nos objectifs climatiques. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre ce risque. Il est d'autant plus révoltant de voir la majorité des candidat.es à l'élection présidentielle mettre en avant une relance du nucléaire comme mesure phare de lutte contre le changement climatique, sans aucune planification réaliste et réalisable à l'appui. Le nucléaire n'est pas la solution magique pour sauver le climat. Pour sécuriser notre avenir, nous devons atteindre 100% d'énergies renouvelables et stopper cette fuite en avant consistant à faire perdurer une technologie dangereuse, polluante et productrice de déchets ingérables.

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L'air de rien, RTE défend une France nucléaire

Article d'Émilie Massemin publié par REPORTERRE  le 26 octobre 2021

RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité haute tension, a présenté six scénarios de production d'électricité pour 2050. Si tous prévoient d'atteindre la « neutralité carbone », la moitié font la part belle au nucléaire. Mais RTE n'a retenu qu'une hypothèse, sans étudier la trajectoire « sobriété ». Ce tour de passe-passe est critiqué par les écologistes.

RTE a présenté ses six scénarios de production d'électricité pour 2050, lundi 25 octobre à Paris. Chacun de ces « Futurs énergétiques 2050 », tels que les a intitulés le responsable du Réseau de transport d'électricité haute tension dans l'Hexagone, prévoit d'atteindre la neutralité carbone- c'est-à-dire un équilibre parfait entre les émissions de gaz à effet de serre et leur absorption par des puits de carbone tels que la forêt, les sols, etc. -, conformément aux engagements climatiques de la France.

Le bilan en est globalement positif : « En 2050, nous ne consommerons plus de pétrole ni de gaz fossiles. La facture d'électricité va augmenter. Mais nous estimons que le coût de cette augmentation est absolument maîtrisable », a assuré le président du directoire, Xavier Piechaczyk. Mais, accessible financièrement ne signifie pas facile : « La France doit simultanément faire face à deux défis : d'une part, produire davantage d'électricité en remplacement du pétrole et du gaz fossile et, d'autre part, renouveler les moyens de production nucléaire qui vont progressivement atteindre leur limite d'exploitation d'ici 2060. La question est alors : avec quelles technologies produire cette électricité totalement décarbonée ? »

Une équipe de quarante personnes a planché pendant deux ans sur cette interrogation. Leur première tâche a été d'évaluer la consommation finale d'électricité en 2050. Trois trajectoires ont été dessinées. La première, dite « de référence », atteindra 645 térawatt-heure (TWh) à la moitié du siècle, soit une hausse de 35 % de la consommation d'électricité actuelle [1]. « Ce scénario reprend le cadrage de la stratégie nationale bas-carbone réactualisée », a précisé M. Piechaczyk. Deux autres ont été esquissées : une trajectoire de « sobriété » à 555 TWh en 2050, correspondant à « des changements plus ou moins profonds de consommation et de production industrielle, et donc de mode de vie » ; et une autre de « réindustrialisation profonde », correspondant à une part de l'industrie de 12 à 13 % du PIB au lieu des 10 % de la trajectoire de référence, entraînant une consommation de 752 TWh en 2050.

Mais RTE n'a étudié que cette trajectoire « de référence », celles découlant des trajectoires de sobriété et de réindustrialisation profonde ne seront livrés que début 2022. Sur France Inter, le 25 octobre, Xavier Piechaczyk a précisé que cette trajectoire de référence s'entendait « sans fonctionner le mode de vie des Français ».

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  Le nucléaire, une industrie sans grand avenir

      (Article d'Antoine de Ravignan dans ALTERNATIVES ÉCONOMIQUES le 27/07/2021)

      Photo : La centrale du Tricastin

Le nucléaire a beau ne pas émettre de CO2, c'est une technologie dépassée par l'éolien et le solaire. Sa place dans le mix électrique décarboné de demain devrait être marginale. Au mieux.

« Peu importe que vous soyez pour ou contre le nucléaire. Ce n'est plus le sujet. Tout simplement parce que le nucléaire est devenu hors sujet. » Mycle Schneider, consultant et coordinateur d'un rapport annuel qui fait référence sur l'état de l'industrie nucléaire dans le monde1, cite deux chiffres. En 2020, entre mises en service et arrêts définitifs de réacteurs, les capacités nucléaires nettes à l'échelle de la planète ont progressé de 0,4 GW. De leur côté, les capacités électriques renouvelables ont augmenté de 260 GW (un nouveau record malgré le Covid), le solaire et l'éolien représentant 91 % de ce total.

Ces deux données disent assez bien dans quel sens pousse le vent. Evidemment, quand il n'y a pas de vent ou pas de soleil, ces sources ne fonctionnent pas. Il faut donc regarder les volumes produits. Depuis 2012, la production électronucléaire mondiale a de nouveau progressé, après avoir atteint un maximum historique en 2006 et reculé ensuite. Elle avait presque retrouvé en 2019, avant la crise du Covid, son point haut de 2006, près de 2 800 TWh, soit 10,3 % de la demande électrique mondiale (les énergies fossiles comptant pour 62,8 % et les renouvelables, hydraulique y ­compris, pour 26 %). De 2012 à 2019, la production des réacteurs en activité a crû de 325 TWh. Mais, dans le même temps, celle des éoliennes et du solaire a progressé de 1 522 TWh. En 2019, installations éoliennes et solaires avaient déjà produit 2 154 TWh.

Hormis la Chine, le monde ne construit pratiquement plus de réacteurs.

Nombre de mises en chantier de nouveaux réacteurs chaque année dans le monde entre 1951 et 2020

Ces deux sources vont dépasser d'autant plus rapidement le nucléaire que sa reprise depuis 2012 va s'essouffler. Sur 325 TWh de hausse, 250 TWh sont le fait de la seule Chine. Or, dans l'empire du Milieu, l'essor rapide de ces dernières années semble déjà toucher à sa fin. En effet, c'est le résultat d'une forte croissance de la construction de réacteurs dans ce (seul) pays durant les années 2000 et qui a culminé en 2010. Depuis, le nombre des mises en chantier a été divisé par deux, ce qui va mécaniquement se traduire dans les années 2020 par une progression beaucoup plus faible de la production d'origine nucléaire, tandis que les renouvelables poursuivent leur ascension fulgurante. Pire, la poursuite des mises en chantier est devenue très incertaine.

Une question de coûts

Cette évolution n'a rien de surprenant. Alors que la meilleure prise en compte des risques du nucléaire en accroît les coûts et la complexité industrielle, l'éolien et le photovoltaïque - beaucoup plus modulables, faciles à maîtriser et à installer, dont les marges de progression sont encore très importantes avant que leur variabilité ne puisse plus être gérée par les capacités pilotables existantes - ont vu ces deux dernières décennies leurs coûts s'effondrer au fur et à mesure de leur développement. Aux Etats-Unis, le coût de production moyen du nucléaire neuf, fin 2019, est estimé par le cabinet Lazard à 155 $/MWh (117 $/MWh en 2015), contre 40 $/MWh pour le photovoltaïque (65 $ en 2015) et 41 $ pour l'éolien terrestre (55 $ en 2015). En France, le coût de production de l'EPR de Flamanville pourrait se situer entre 110 et 120 €/MWh, selon la Cour des comptes.

Mais selon les bilans des appels d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), les prix de vente de l'électricité s'établissaient en 2020 à 59,50 €/MWh pour l'éolien terrestre et 52,60 €/MWh (parcs au sol de puissance supérieure à 5 MW). EDF, qui veut construire une première série de six EPR, mise à terme sur des coûts de 70 €/MWh (avec une estimation de 85 €/MWh pour les trois premières unités). En France, la baisse maximale de coûts par rapport à une tête de série jamais observée a atteint 16 %. Et si ces nouveaux EPR voient le jour, ce ne sera pas avant 2035, tandis que les renouvelables auront entre-temps encore vu leurs coûts baisser.

Un rôle d'ajustement

Sur le long terme, même lorsque les scénarios prospectifs lui font une place, c'est le cas des travaux du Giec, de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ou de l'Agence internationale des énergies renouvelables (Irena), le nucléaire occupe en définitive une place marginale dans le mix électrique mondial décarboné de demain.

0,4 GW : c'est la progression des capacités nucléaires nettes enregistrée dans le monde en 2020, contre + 260 GW pour les renouvelables

Son importance (très relative) dépend par ailleurs des efforts qui seront faits ou non sur les économies d'énergie. Selon le scénario de l'Irena paru au printemps et construit sur une hypothèse raisonnable de maîtrise de la demande énergétique totale5, la production d'électricité devrait tripler et couvrir la moitié des besoins énergétiques mondiaux en 2050 (contre un cinquième aujourd'hui). Mais dans ce mix électrique de demain, le nucléaire ne compterait que pour 4 %, contre 90 % pour les renouvelables.

Le nucléaire est clairement sans réelles perspectives face à la concurrence du solaire et de l'éolien qui le cantonne à un rôle d'ajustement de l'offre à la demande d'électricité. Reste une question : est-il seulement nécessaire pour gérer les fluctuations des productions éolienne et solaire ? Viser un mix électrique 100 % renouvelable ne serait-il pas une meilleure option ?

Peu d'opportunités à l'international

Même à supposer que la construction de nouveaux réacteurs redémarre à l'international, il y a peu de chances que la France en profite. La Chine a jusqu'ici poursuivi une stratégie de maîtrise technologique pour fournir son propre marché. Mais avec le développement de son réacteur Hualong (« dragon » en chinois) et d'autres succès comme la construction de deux EPR en joint-venture avec la France, elle démontre son savoir-faire au reste du monde. Elle est devenue un dangereux compétiteur de l'Hexagone, notamment au Royaume-Uni, qui réfléchit à la mise en chantier de nouvelles unités. Quant à la France, avec ses contre-performances sur les chantiers de l'EPR à Flamanville et en Finlande, elle a perdu de son aura. Elle avait déjà raté le contrat avec Abu Dhabi en 2009 face à la Corée du Sud, et cherche désespérément depuis 2008 à vendre six EPR à l'Inde, qui préfère investir dans du solaire et de l'éolien deux à trois fois moins chers, ou passer des contrats avec la Russie pour ses centrales nucléaires. Le coût de l'EPR français ou son équivalent américain (AP1000) s'élève entre 7 500 et 10 500 dollars le kilowatt, contre 2 800 à 5 400 dollars pour le Hualong chinois, l'APR1400 coréen ou le VVER-120 russe.


« À bout de souffle », la centrale nucléaire de Tricastin va fêter ses 40 ans

 Article d'Angela Bolis dans REPORTERRE le 9 juin 2021

La centrale de Tricastin, dans la Drôme, fêtera ses quarante ans le 26 juin. Elle pourrait obtenir un délai de dix ans avant sa fermeture. Abîmée, située sur une zone sismique, elle cristallise les inquiétudes.

Le 26 juin, la centrale nucléaire de Tricastin, située entre la Drôme et le Vaucluse, fêtera ses quarante ans. La date est cruciale car la centrale a justement été conçue pour fonctionner... quarante ans. L'heure de sa fermeture a-t-elle donc sonné ? Rien n'est moins sûr : dès 2009, EDF annonçait vouloir prolonger la durée de fonctionnement de ses centrales jusqu'à cinquante ou soixante ans. Plus récemment, en février dernier, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu une décision générique sur les trente-deux réacteurs de 900 mégawatts (MW) (les plus anciens du parc nucléaire) ouvrant la voie à leur prolongation pour dix ans. Le gendarme du nucléaire doit désormais se prononcer réacteur par réacteur, après un examen approfondi des installations.

Ce « réexamen périodique » permet de contrôler l'état de chaque réacteur au regard des normes actuelles, et de réévaluer leur sûreté pour s'approcher de celle des réacteurs les plus récents, de type EPR. Le réacteur 1 de Tricastin a été le premier à passer ce test en 2019. Conclusion ? De lourds travaux de maintenance sont nécessaires pour qu'il puisse continuer à fonctionner. Il faudra attendre 2022 pour que l'Autorité se prononce officiellement sur sa prolongation. Si elle est approuvée, EDF aura encore six ans pour renforcer sa sûreté. « Les travaux ont déjà commencé, et quand ils seront terminés, on arrivera quasiment aux cinquante ans », note Roland Desbordes, porte-parole de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) et membre de la commission locale d'information du Tricastin (Cligeet). Preuve, selon lui, qu'il n'y a « pas de réelle remise en cause de cette prolongation, de ses risques, de ses coûts et de sa faisabilité ».

La banderole déployée devant le siège social d'EDF, le 28 mai 2020. © Réseau Sortir du nucléaire

En attendant le verdict de l'ASN, les militants antinucléaires n'ont en tout cas pas oublié l'anniversaire de Tricastin. Une manifestation est prévue le 26 juin à Montélimar (Drôme), rassemblant des associations (Sortir du nucléaire, Greenpeace, France Nature Environnement, Alternatiba...), des syndicats (Confédération paysanne, Confédération nationale du travail) et des partis politiques (Europe Écologie-Les Verts, la France insoumise). Le mot d'ordre : « Quarante ans, ça suffit ! » « La centrale de Tricastin est la pire de France, en particulier son réacteur 1. Or, il y a un enjeu particulier autour de sa prolongation car c'est le premier à recevoir l'autorisation de fonctionner après quarante ans », affirme Alain Volle, porte-parole du collectif Stop Tricastin. La pire de France ? La centrale, régulièrement ciblée par les mobilisations antinucléaires, cristallise effectivement les inquiétudes.

Une cuve vieillissante et fissurée

À mesure qu'une centrale vieillit et se dégrade, la plupart de ses pièces peuvent être remplacées. Ce n'est pas le cas de la cuve, la pièce maîtresse qui renferme le cœur du réacteur nucléaire. Or, la cuve du réacteur 1, en particulier, est très surveillée : c'est l'une des plus fissurées de France. Dans un rapport publié par Greenpeace en janvier, le physicien Bernard Laponche, ancien du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et cofondateur de l'association Global chance, se penche sur son cas : « Parmi toutes les cuves neuves des réacteurs de 900 MW (...), la cuve du réacteur 1 du Tricastin est la plus affectée, avec une trentaine de défauts sous revêtement ». Pour l'ASN, ces défauts ne remettent pas en cause la sûreté de la centrale : « On a la certitude que ce sont des défauts de fabrication. Ils sont suivis depuis 1999 et n'ont pas évolué depuis », assure à Reporterre Richard Escoffier, directeur adjoint de l'Autorité à Lyon. Les associations, elles, ne sont guère rassurées. Dans son rapport annuel sur l'état de la sûreté nucléaire, publié jeudi 27 mai, l'ASN évoque d'ailleurs ces défauts sous revêtement : elle note que la sensibilité du métal de la cuve est « accrue en présence de défauts technologiques ».

Or la robustesse de l'acier de la cuve, au bout de quarante ans de service, est justement au cœur des préoccupations. Sans cesse bombardé de neutrons, le métal se modifie, supportant de moins en moins les fortes variations de température. La température à partir de laquelle il devient fragile grimpe au fil des ans : négative à son origine, elle est désormais de 40 à 60 °C selon la partie de la cuve, nous a précisé l'ASN. Rien d'inquiétant en temps normal, puisque celle-ci fonctionne à 300 °C. Mais en cas d'accident, s'il faut la refroidir, il est inenvisageable d'injecter de l'eau à moins de 60 °C... au risque d'une rupture catastrophique. Les circuits de refroidissement de secours doivent donc être chauffés, ce qui entraîne des contraintes de fonctionnement supplémentaires. EDF se veut néanmoins rassurant : « La cuve du réacteur 1 fait l'objet d'une surveillance constante. Le dernier contrôle approfondi, réalisé en 2019, a confirmé l'absence d'évolution de l'acier. » Pour Richard Escoffier, de l'Autorité de sûreté, « il y a un consensus sur cette cuve, les experts de l'ASN ont rendu un avis favorable sur la poursuite de son fonctionnement ».

Ce « consensus » n'est pas partagé par certains physiciens du nucléaire. Il a fait l'objet de plusieurs échanges entre EDF, l'ASN et ses groupes d'experts. En octobre dernier, un article de Libérationdévoilait des documents internes d'EDF montrant que l'exploitant avait modifié en cours de route ses méthodes de calcul sur la résistance de l'acier. « Dans certains cas accidentels, les calculs de ténacité aboutissaient à un résultat égal ou inférieur à la marge de sécurité », note le journaliste. EDF a alors « optimisé » ces calculs et abouti à des résultats conformes à la marge de sécurité, permettant in fine de valider la robustesse de l'acier. Le contrôle technique aurait-il été simplifié pour absoudre le vieux réacteur ? « Une optimisation de calcul n'est pas une simplification mais une représentation beaucoup plus complexe dans laquelle on peut intégrer de nombreuses hypothèses, permettant d'avoir une vision plus réaliste du comportement des matériaux », a rétorqué EDF, dans un courriel à Reporterre. Pour Richard Escoffier, « ces calculs sont examinés par l'IRSN [Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire] et les experts métallurgistes de l'ASN, il n'y a eu aucun arrangement pour favoriser cette cuve ».


Dans tous les cas, lors de la remise du rapport de l'ASN le 27 mai, son président Bernard Doroszczuk a souligné devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques(Opecst) la nécessité de voir plus loin : EDF n'a justifié la prolongation des cuves que pour dix ans de plus, or « plusieurs réacteurs ne disposent que de très peu de marge pour un fonctionnement au-delà de cinquante ans », note-t-il. Il appelle à anticiper très en amont une éventuelle fermeture d'un réacteur à cause de l'état de sa cuve à cet horizon. Celui de Tricastin 1 est-il visé ?

Deux fuites de tritium, un matériau radioactif, en 2013 et 2019

Dans ce même rapport, l'ASN note que les performances de Tricastin en matière de sûreté demeurent « contrastées », évoquant notamment des « difficultés » lors de la réalisation des examens périodiques. En mars dernier, l'IRSN a relevé l'importance d'un incident survenu sur le réacteur 1 en septembre 2019, au moment de ce réexamen, sur une pompe du circuit de refroidissement. Selon l'Institut, cette défaillance, potentiellement grave, était liée au vieillissement prématuré de câbles électriques. De son côté, le physicien Bernard Laponche a listé 147 incidents dans cette centrale entre 2010 et 2020, dont 43 sur le réacteur 1. D'après lui, les défaillances techniques sont « le plus souvent [liées à] des phénomènes de vieillissement qui se manifestent soit parce que le remplacement des pièces n'a pas été effectué à temps, soit que la maintenance ait été défaillante ».

De la même manière, le vieillissement de la centrale peut-il aggraver les contaminations environnementales ? C'est en tout cas l'avis de la Criirad, qui a relevé deux fuites de tritium, un matériau radioactif, en 2013 et 2019. Dans ce dernier cas, l'événement est dû, selon EDF, à « la défaillance d'une tuyauterie d'un réservoir d'effluents radioactifs, immédiatement réparée ». Il serait sans conséquence selon l'exploitant, qui assure que le tritium ne s'est pas échappé dans la nappe phréatique à l'extérieur de la centrale. La Criirad s'alarme, de son côté, d'un niveau de contamination « plus de 2 000 fois supérieur au niveau de tritium "normal" que l'on mesure en France dans les nappes non contaminées ». « Ces fuites ne sont pas spécifiques à Tricastin mais le vieillissement des installations entraîne une corrosion des tuyaux qui augmente les risques », estime Roland Desbordes, porte-parole de l'association.

La centrale de Tricastin est construite en zone sismique

Outre son vieillissement, la centrale de Tricastin présente une faiblesse géologique : elle est construite en zone sismique. Et qui plus est, en contrebas d'un canal, dont elle est séparée par une digue. En 2017, l'ASN s'est rendu compte que cette digue pouvait rompre en cas de « séisme maximum historiquement vraisemblable » - soit le séisme le plus fort connu depuis environ mille ans, qui surviendrait directement sous la centrale. En cas de rupture, l'eau du canal viendrait inonder les réacteurs, et causer potentiellement un accident de fusion du cœur, selon le scénario qui s'est déroulé à Fukushima.

L'ASN avait alors imposé l'arrêt immédiat de Tricastin, le temps de réaliser des travaux pour renforcer la digue. Jusqu'à 2017 donc, et depuis 1980, la centrale fonctionnait sous une « menace permanente », selon le rapport de Bernard Laponche. En 2019, l'ASN a de nouveau exigé des travaux sur la digue pour la mettre aux normes post-Fukushima, qui prennent en compte un niveau de séisme plus élevé encore. Les travaux, toujours en cours, doivent être achevés d'ici décembre 2022.

Les analyses concernant le séisme du Teil (Ardèche) pourraient changer la donne. Survenu en novembre 2019 à 25 kilomètres de Tricastin, ce tremblement de terre d'une magnitude de 5,4 sur l'échelle de Richter présente, selon l'IRSN, « des caractéristiques proches du séisme maximum historiquement vraisemblable ». La caractérisation de ce séisme est toujours en cours. En fonction des conclusions de cette étude, il se peut que les normes sismiques de Tricastin soient relevées. « Il faudrait alors vérifier immédiatement si le matériel de la centrale résiste, et éventuellement le renforcer », explique Richard Escoffier. En attendant, Tricastin continue de fonctionner. « Tout en sachant, Fukushima nous l'a montré, qu'un séisme nettement supérieur au séisme historique est toujours possible lorsque le site de la centrale se trouve en zone sismique », relève Bernard Laponche.

Un manque de moyens humains et financiers

Face à l'ampleur des travaux prévus pour prolonger le parc nucléaire, le collectif Stop Tricastin s'inquiète aussi des moyens humains et financiers d'EDF. « On a des réacteurs à bout de souffle et, au moment où ils doivent être contrôlés, la sous-traitance en cascade fait qu'EDF n'a plus les moyens d'assurer cette maintenance correctement ! » dénonce Alain Volle, du collectif.

Il faut dire que le calendrier du « grand carénage », les travaux liés à la prolongation des centrales au-delà des quarante ans, est particulièrement ambitieux. Son budget également : 49,4 milliards d'euros, selon EDF. D'ici à 2031, jusqu'à sept réacteurs seront soumis, chaque année, à leur réexamen périodique. Chacun de ces réexamens exige des moyens considérables : « En moyenne, pour une quatrième visite décennale [principale étape du réexamen], il faut compter cinq mois d'activité, près de 5 000 intervenants et 120 entreprises industrielles », indique EDF à Reporterre.

Intrusion de militants de Greenpeace afin d'« alerter l'opinion publique sur les nombreux problèmes techniques du Tricastin », le 21 février 2020. © Capture d'écran de la vidéo de l'action par Greenpeace

Lors de son audition du 27 mai, le président de l'ASN, M. Doroszczuk, a évoqué un « point de vigilance » sur la capacité industrielle d'EDF et des intervenants de la filière à faire face à la multiplication de ces travaux, alors même que certains secteurs comme la mécanique ou l'ingénierie sont en tension. « Ce point s'est traduit par une demande spécifique de rendre compte annuellement de la capacité des industriels à assurer les travaux demandés dans le calendrier défini », a-t-il annoncé.

La question est d'autant plus brûlante que les conditions de travail dans les centrales d'EDF sont régulièrement mises en cause. Malgré des améliorations sur le sujet, l'ASN note, dans son rapportannuel qu'elle « a régulièrement relevé par le passé la difficulté d'EDF à assurer une surveillance adaptée et proportionnée des activités sous‑traitées ». À Tricastin, les conditions de travail des sous-traitants sont suivies de près par l'association Ma Zone contrôlée. Son fondateur, Gilles Reynaud, syndicaliste et employé d'une filière d'Orano (ex-Areva) sur ce site, détaille à Reporterre : « On estime que la sûreté repose sur ces sous-traitants, qui prennent en charge 80 % des activités de la filière nucléaire. Or ils sont de plus en plus précarisés, sous pression, avec des expositions à la radioactivité importantes. EDF se lance dans des travaux colossaux alors qu'on n'a déjà pas les moyens de faire nos métiers correctement. »

Dans la centrale nucléaire de Tricastin, un problème électrique a accru le risque d'accident grave

 Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'incident détecté en 2019 sur le moteur d'une pompe souligne l'importance de bien mesurer les effets du vieillissement des installations.

         Photo Philippe Desmazes

C'est un incident d'apparence anodine, mais qui a accru de façon significative le risque d'un accident majeur d'un réacteur du parc nucléaire français, et qui illustre les difficultés associées à son vieillissement. Telle est l'analyse de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), exprimée dans un avis publié fin mars, à propos de la défaillance du moteur d'une pompe survenue dans la centrale de Tricastin, située à cheval entre la Drôme et Vaucluse.

Le 1er septembre 2019, le réacteur numéro 1 de la centrale est à l'arrêt pour effectuer sa « visite des 40 ans », un examen de sûreté approfondi. Un essai révèle alors un défaut électrique sur le moteur de l'une des deux pompes du circuit de refroidissement à l'arrêt. En cas d'accident, c'est ce système qui permet d'évacuer la puissance que continue à produire le réacteur - même une fois qu'il a cessé de fonctionner - et ainsi d'éviter une explosion. Selon les expertises, la défaillance électrique du moteur - qui a depuis été remplacé - est liée au vieillissement prématuré de câbles, qui n'ont pas été montés de façon optimale.

Pour évaluer l'importance de cet incident, l'IRSN, le bras technique de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a mené une étude pour quantifier son effet sur la probabilité d'un risque de fusion du cœur du réacteur, et donc d'un accident grave. « Compte tenu de la présence de cette défaillance avérée, nous avons estimé quelle a été l'augmentation du risque de fusion du cœur au cours de cette période,explique Olivier Dubois, adjoint du directeur de l'expertise de sûreté à l'IRSN. Si l'augmentation de la probabilité est supérieure à 1 pour 1 million, nous considérons que c'est un événement dit "précurseur", c'est-à-dire significatif en termes de sûreté. Si elle est supérieure à un pour 10 000, c'est un événement "précurseur particulièrement important". Là, l'augmentation se trouve entre les deux. »

« Pas que les composants majeurs »

Une hausse du risque qui nécessite de traiter la défaillance « le plus rapidement possible » et d'y accorder « une attention particulière ». Selon Olivier Dubois, on recense en moyenne entre cinq et dix événements « précurseurs » par an. EDF, qui exploite les centrales nucléaires, était toutefois parvenu à une conclusion différente de l'IRSN : selon ses études, le problème survenu à Tricastin n'était pas susceptible d'accroître le risque d'accident grave.

Lorsque le moteur de la pompe n'a pas fonctionné, le 1er septembre 2019, le combustible ne se trouvait plus dans le cœur du réacteur et l'incident n'a donc eu aucune conséquence. Le réacteur numéro 1 du site de Tricastin était alors le premier des 32 réacteurs les plus anciens du parc à passer sa quatrième visite décennale. Fin février, l'ASN a ouvert la voie à la prolongation de la durée de vie de l'ensemble de ces installations pour une période de dix ans. La réglementation française ne prévoit pas de « durée de vie » maximale de ces tranches, mais une hypothèse de quarante ans de fonctionnement avait été retenue lors de leur conception.

« Le cas de Tricastin est un très bon exemple du fait qu'il n'y a pas que les composants majeurs comme les cuves et les enceintes qui vieillissent et dont l'importance est cruciale pour la sûreté, souligne Olivier Dubois. Les défaillances peuvent aussi venir des câbles électriques, de certaines pompes ou des moteurs. Même si ces éléments sont remplaçables, il faut repérer les défaillances suffisamment tôt et être donc très attentifs aux méthodes de détection. »

Les câbles électriques liés au problème du moteur de Tricastin, partiellement noyés dans le béton et donc invisibles, sont contrôlés de manière électrique. Les derniers examens, réalisés en juillet 2019, n'avaient pas fait apparaître de défaut particulier. Dans un précédent avis rendu en juillet 2020, l'IRSN recommande à EDF d'améliorer ses méthodes de détection des problèmes électriques. En février, l'ASN a donné trois mois à l'exploitant pour lui présenter un calendrier de résorption de ce défaut. L'entreprise assure que les réponses aux demandes du gendarme du nucléaire sont « en cours d'instruction » et qu'elle ne peut communiquer avant leur envoi formel.

Dans un rapport publié lundi 26 avril, le Groupe international d'évaluation des risques nucléaires (International Nuclear Risk Assessment Group), qui compte parmi ses membres l'ancien président de l'autorité de sûreté américaine Gregory Jaczko ou l'ex-directeur général de la sûreté nucléaire allemande Wolfgang Renneberg, affirme que les prolongations de durée de vie et l'exploitation des vieilles centrales accroissent le risque nucléaire en Europe. « Les processus de vieillissement tels que la corrosion, l'usure ou la fragilisation réduisent la qualité des composants, des systèmes et des structures et provoquent des défaillances », écrivent-ils notamment.

Perrine Mouterde dans le journal Le Monde du 28 avril 2021

Les travailleurs sous-traitants du nucléaire en grève car « la sécurité se dégrade   REPORTERRE: 18 septembre 2019 / Entretien avec Gilles Reynaud

 


Les salariés de la sous-traitance dans le secteur du nucléaire appellent à une grève ce mercredi 18 septembre. Une « journée inédite pour le nucléaire français » assure Gilles Reynaud. Pour ce syndicaliste, si ces travailleurs ne sont pas mieux protégés, « il va y avoir des drames ».


Parmi vos revendications, il y a la création d'une convention collective commune. Pourquoi ?

Ça changerait la vie des travailleurs sous-traitants ! Avoir un statut EDF, ça veut dire un travail garanti, des possibilités d'évolution dans notre branche et une reconnaissance de notre expertise.

Vous connaissez les tarifs préférentiels des salariés EDF pour le courant électrique, les vacances, les enfants ? Nous n'avons rien de tout ça dans les entreprises sous-traitantes puisque ce sont souvent des petites structures, il n'y a pas de comité d'entreprise. L'article 4 de l'accord d'entreprise sur les industries énergétiques et gazières (IEG) précise pourtant que dès qu'un salarié d'une entreprise extérieure est permanent sur un site nucléaire EDF, il doit bénéficier des mêmes avantages qu'un agent EDF. Pourquoi cet article n'est-il pas appliqué ?

  • On peut être en CDI [contrat à durée indéterminée] mais dans la mesure où l'on est soumis aux appels d'offre, on peut aussi changer souvent d'entreprise et de convention collective et les acquis que nous avons ne sont pas garantis. La plupart du temps, quand une entreprise sous-traitante reprend une activité, elle n'a qu'un objectif : réduire ses coûts. Donc on perd en qualité de service et en sûreté nucléaire.

Comment renforcer la sûreté du parc nucléaire français ?

Si on ne revient pas à un système de protection plus juste et plus humain, il va y avoir des drames. Nous voulons une convention collective avec une grille de salaires unique. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Notre travail n'est pas reconnu. Il est pourtant très précis.

Aujourd'hui, quand des sous-traitants se rendent compte d'une anomalie, il n'y a plus de salariés EDF pour les soutenir, ils ne savent pas comment nous appuyer. Les sous-traitants gèrent aujourd'hui 80 % de la maintenance du parc en France. En plus, on envoie à chaque fois des primo-intervenants, non expérimentés, toujours dans cette logique low cost, et alors la sécurité se dégrade. Après 40 ans d'exploitation du parc nucléaire et tous les retours d'expérience, on devrait pouvoir tout réaliser correctement du premier coup, en s'appuyant sur des travailleurs expérimentés. Sinon, sur des situations difficiles, on va avoir des déconvenues. C'est inévitable avec 58 réacteurs en France.





Avez-vous des soutiens à l'échelle de l'État pour relayer ces alertes ?

Seuls les politiques peuvent faire bouger ces lignes. Je suis allé à l'Assemblée nationale l'année dernière dans le cadre de la commission d'enquête sur la sureté et la sécurité des installations nucléaires en France.

J'étais invité en tant que président de Ma zone contrôlée et Barbara Pompili, rapporteuse de cette commission a pris en compte mes rema . rques dans son rapport et alerté sur les défaillances du système nucléaire français lié au système de la sous-traitance.

La semaine dernière encore sur Twitter, elle a rappelé qu'il fallait se pencher sur cette question après qu'EDF a annoncé que cinq de ses réacteurs étaient menacés d'arrêt. Le dumping social et la fraude des patrons qui dissimulent les accidents de travail constituent des facteurs de risque

Il arrive que des accidents du travail soient dissimulés ?

Pour attribuer un marché à une entreprise, on regarde plusieurs critères dont les résultats de sécurité. S'il y a trop d'accidents de salariés référencés pour une seule entreprise, celle-ci n'obtient pas le marché. Or, dans la mesure où tout le monde est au courant de cette règle, les entreprises s'adaptent et font souvent en sorte de ne pas déclarer les accidents de travail. Les chefs vont voir le salarié, lui proposent un poste aménagé ou bien de rester chez lui. Ils continuent à le payer, et ne déclarent pas l'accident. Si le collègue subit une rechute quelques années plus tard, aucune trace de son accident précédent. Il a été camouflé. J'ai été sanctionné et mis à pied cinq jours par mon entreprise au retour de la commission Pompili à cause de ces déclarations. Je suis actuellement en procédure avec elle sur ce sujet.

Les salariés ont tellement peur des sanctions aujourd'hui qu'ils ne déclarent pas certains incidents. À l'entrée des installations nucléaires, on a des appareils de contrôle qui doivent s'assurer que l'homme ou la femme qui sort de la zone n'est pas contaminé. Ces appareils, ce sont les garants de la sûreté nucléaire, de la radioprotection. Aujourd'hui, si un salarié déclenche un portique en sortant, on le sanctionne, on lui dit que c'est de sa faute. On va parfois jusqu'à le licencier. Les salariés ont peur quand ils arrivent sur ces portiques. Certains s'arrangent pour détourner ce contrôle, de peur des sanctions. C'est dévastateur.


Fleuves en décrue, centrales en surchauffe à cause de la sécheresse... Comment appréhendez-vous les risques liés au réchauffement climatique ?

Le réchauffement climatique, la baisse des nappes phréatiques, doivent nous interroger : nous avons un besoin vital d'eau pour refroidir les réacteurs. Si les fleuves commencent à s'assécher, c'est très préoccupant.

Les copains me disent souvent : « Tu vas nous mettre au chômage en alertant sur tous ces risques. » Mais la mobilisation du 18 septembre attend des réponses immédiates fortes. On peut y arriver ! Cette journée est inédite pour le nucléaire français : des salariés répartis sur huit sites sont mobilisés. On aurait aimé que tout le parc EDF le soit, mais c'est vraiment sur les arrêts de tranche, c'est-à-dire sur les opérations de maintenance que l'on peut agir : un jour de retard, c'est un million de coût supplémentaire pour EDF. On travaille à la seconde près pour optimiser le parc. Nous, les sous-traitants, devons profiter de ces phases stratégiques pour alerter tout le monde. Mes collègues - car leur travail est nécessaire et fondamental pour la gestion du parc nucléaire, sa sûreté et la sécurité du pays - mais aussi la population et les politiques. J'aimerais affirmer que tout ce qui se passe dans l'ensemble du parc nucléaire aujourd'hui se passe dans les règles. Je ne le peux pas. Si on n'évoque pas ces problèmes maintenant, ce sera trop tard.

  • Propos recueillis par Louison Moreuil

 

 Article de Médiapart publié le 19/7/2019

Centrale du Tricastin: EDF triche avec la sûreté nucléaire

Par Jade Lingaard

Selon des témoignages recueillis depuis six mois par Mediapart auprès de plusieurs personnes travaillant à la centrale nucléaire du Tricastin, les problèmes s'accumulent sur ce site depuis deux ans. Au point qu'EDF évite de déclarer des incidents à l'Autorité de sûreté. Tout cela dans l'espoir de préserver l'image du premier réacteur à subir l'inspection des 40 ans...


Lire la suite ? Article Médiapart

« Le nucléaire ne répond à aucun besoin technique ou opérationnel que ses concurrents sobres en carbone ne puissent satisfaire mieux, moins cher et plus rapidement ». Voila la conclusion sans appel dressée par l'édition 2019 du World Nuclear Industry Status Report (WNISR). Plus coûteuse que les énergies renouvelables, la construction d'un nouveau...