REVUE DE PRESSE
La France nucléaire ignorerait trop ses voisins, alerte un comité de l'Onu
Le gouvernement français a-t-il fauté en ne consultant pas les États voisins sur ses projets nucléaires ?
Un comité international de juristes devrait l'y contraindre.
Ouest-France André THOMAS.Publié le 11/10/2023
Seuls quelques spécialistes connaissent la convention d'Espoo, qui, sous l'égide l'Organisation des nations unies, réunit 45 États dans le monde, dont ceux du Vieux continent. Ce texte, du nom d'une ville finlandaise où elle a été adoptée en 1991, l'Union européenne l'a approuvé en 1997 et la France l'a ratifié en 2001. Mais lorsqu'il s'agit de mener ses projets dans l'industrie nucléaire, la France semble s'en affranchir.
À quoi sert-elle, cette convention d'Espoo ? À éviter qu'un État entreprenne un projet industriel qui porte atteinte à l'environnement au-delà de ses propres frontières.
Parmi les projets devant se soumettre à la convention, les constructions de centrales nucléaires, mais aussi l'allongement de leur durée de fonctionnement. Comme celui que le gouvernement et EDF ont décidé pour les 32 réacteurs de 900 megawatts (MW), entrés en service entre 1977 et 1987, et qu'ils veulent pousser au-delà des 40 ans de durée de vie initialement prévus (et parfois déjà dépassés), faute de quoi, la France manquera d'électricité d'ici quelques années.
Décision du 22 septembre
Les deux principales décisions françaises en la matière sont un accord de principe global de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sur l'ensemble de ces réacteurs, en 2021, puis un autre accord portant sur le premier réacteur concerné, le réacteur 1 du Tricastin, donné en août 2023. Tous les autres réacteurs devront recevoir la même autorisation les uns après les autres.
Mais les autorisations françaises suffisent-elles ? Non, viennent de dire les juristes internationaux qui, au sein de l'Onu, veillent au respect de la convention de l'Espoo et qui ont été alertés par Greenpeace. Une décision a ainsi été publiée le 22 septembre par ce « comité d'application des Nations Unies de la Convention sur l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte transfrontière ».
Le comité a décidé d'ouvrir une procédure contre la France en raison d'une profonde suspicion de non-respect par la France de ses obligations ». L'État français devra donc s'expliquer lors d'une prochaine session du comité entre le 18 et le 21 juin 2024.
Dans une lettre adressée au comité, le gouvernement français avait, lui, estimé que les importants travaux de refonte de ses vieux réacteurs (une cinquantaine de milliards d'euros selon EDF) ne sont pas susceptibles d'avoir un impact transfrontière ».
Le drame de Tchernobyl rappelle pourtant que les nuages radioactifs nés en Ukraine ont touché jusqu'à la Scandinavie, le Royaume-Uni, ainsi que la France, pourtant distante de 2 000 kilomètres.
L'Italie s'est manifestée
De plus, le gouvernement français, relève le comité, a omis de mentionner que l'Italie s'est, dans une lettre du 14 janvier 2021, déclarée concernée par la prolongation des vieux réacteurs français. Dans la vallée du Rhône, on compte pas moins de 14 réacteurs français situés à moins de 300 km de Turin, dont les plus anciens (Bugey) ont 45 ans et les plus récents (Saint-Alban), 37 ans.
Interrogée par Ouest-France, EDF se refuse à tout commentaire, le sujet relevant de l'État français. Du côté du gouvernement, le ministère de la Transition écologique assure que la France respecte pleinement ses engagements au titre de la convention d'Espoo et qu'elle mène les consultations et informations obligatoires nécessaires », tout en se tenant à disposition des parties concernées . La subtilité juridique sur laquelle s'appuie plus précisément le gouvernement est de considérer que contrairement à ce que certaines parties prenantes véhiculent à tort », assure le ministère, les réacteurs nucléaires ne font pas l'objet de prolongation de leur durée de vie » ... puisque celle-ci n'est déterminée nulle part en droit français.
Une « consultation juridique » rédigée par un panel de spécialiste du droit de l'environnement (Julien Bétaille, maître de conférences à Toulouse, Hubert Delzangles, professeur agrégé à l'Institut de sciences politiques de Bordeaux et Michel Prieur, professeur agrégé et ancien doyen de la faculté de droit de Limoges) estime pourtant l'argument fallacieux.
Ils relèvent que l'importance de cette prolongation au-delà de 40 ans est soulignée par une annonce spécifique du président de la République lui-même, ainsi que l'allocation d'un budget de 50 milliards par EDF, toute une série de décisions et recommandations spécifiques de l'Autorité de sûreté nucléaire, etc.
Autant d'éléments qui vont à l'encontre de la décision du gouvernement de ne pas considérer la prolongation de ses vieux réacteurs ainsi que leur modernisation comme des événements assez importants pour qu'ils doivent informer et consulter les autres États.
Pas de doute, selon un spécialiste du droit
Mais qu'aurait dû faire exactement la France ? Tout d'abord notifier ses intentions à tous les États susceptibles d'être concernés par un éventuel accident nucléaire, puis leur adresser une étude d'impact, afin que le projet puisse être amélioré en prenant en compte leur avis, rappelle Michel Prieur, l'une des sommités du droit de l'environnement.
Le professeur Prieur n'est pas seulement auteur, depuis 40 ans, du précis Dalloz sur le droit de l'environnement. Il est aussi l'ancien représentant de la France au sein du comité de la convention d'Espoo. J'ai à ce titre participé à la première décision du comité qui, en 2014, a clairement établi que la prolongation de durée de vie d'une centrale nucléaire relève de la convention d'Espoo ».
Il s'agissait alors d'une centrale ukrainienne, mais d'autres cas ont donné lieu à des décisions semblables du comité depuis lors, concernant notamment les réacteurs Doel 1 et 2, en Belgique.
Par ailleurs, la consultation juridique à laquelle a participé le professeur Prieur, rappelle que « la jurisprudence internationale », notamment de la Cour internationale de justice, ainsi que la multiplication des traités internationaux tels que les déclarations de Stockholm en 1972 puis de Rio en 1992, amènent à considérer qu'il existe en droit international général une obligation de procéder à une évaluation de l'impact sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un contexte transfrontière ».
Le risque d'une condamnation européenne
Quelles conséquences pour la France ? Si la procédure au titre de la convention d'Espoo va à son terme, et que les États estiment que la France a bien violé la convention, la France sera exposée à une crise diplomatique et médiatique, indique Michel Prieur. Ce dont la France se passerait bien au moment où elle bataille pour imposer au sein de l'Union européenne des règles financières favorables à son parc nucléaire.
Il s'y ajoute le risque d'une condamnation par la cour de justice de l'Union européenne, puisque la convention d'Espoo est incluse dans le droit communautaire,indique Michel Prieur, si elle était poursuivie par un État membre ou par la Commission européenne.
La cour de justice européenne a d'ailleurs, en 2019, estimé que la Belgique avait enfreint le droit de l'Union à plusieurs titres en ne consultant pas les États voisins avant de prolonger l'activité des deux réacteurs de Doel.
Pour ce qui est de la France, ce n'est pas la première fois qu'elle s'abstient de réaliser et diffuser des études d'impact environnemental. Les premières centrales françaises (Creys-Malville, Gravelines, Flamanville) en ont été dispensées au niveau national, faute de texte encore en vigueur et aucun des 56 réacteurs français n'a fait l'objet d'une procédure transfrontière au titre de la convention d'Espoo, relève la note de Julien Bétaille, Huber Delzangles et Michel Prieur.
Guerre en Ukraine : « Les systèmes énergétiques les plus rapides et les moins chers à construire dans l'urgence sont l'éolien terrestre et le solaire »TRIBUNE dans le journal Le Monde le 9 avril 2022
Robert Bell
Professeur de management, Brooklyn College, City University de New-York
Le chercheur américain spécialiste des technologies Robert Bell affirme, dans une tribune au « Monde », que pour se passer du gaz russe, recourir aux énergies renouvelables serait plus rapide et moins cher que de trouver de nouvelles sources de gaz.
Tribune. Comme dans un film sur la duplicité en temps de guerre, la Russie continue de payer à l'Ukraine qu'elle massacre un « loyer » (apparemment 2 milliards de dollars en 2020, soit environ 18,40 milliards d'euros) pour utiliser ses gazoducs vers l'Union européenne (UE). Et les pays de l'UE, qui sanctionnent économiquement la Russie et qui, pour certains, fournissent des armes à l'Ukraine, continuent de payer leur gaz aux tueurs russes - 155 milliards de mètres cubes (MMC) en 2021, ce qui représente près de la moitié de leurs importations de gaz.
Le dilemme moral auquel l'UE se trouve ainsi confronté peut être résolu de plusieurs façons : Poutine pourrait couper les approvisionnements ; un foreur pétrolier du Moyen-Orient ou du Texas pourrait embaucher des mercenaires pour faire exploser les pipelines ukrainiens... et le prix du pétrole et du gaz par la même occasion ; le gouvernement ukrainien pourrait même, dans un geste désespéré, faire sauter lui-même les pipelines.
Du gaz liquéfié très coûteux
Mais aucun des plans annoncés à ce jour ne semble pouvoir résoudre ce dilemme. Le 25 mars, la Commission européenne et Washington ont annoncé pouvoir remplacer cette année 20 MMC de gaz russe (sur 155) par de nouveaux projets éoliens et solaires. Et que dans huit ans ( !), l'UE aurait mis fin aux importations de gaz russe en triplant sa capacité éolienne et solaire à hauteur de 170 MMC.
Le 24 mars, Joe Biden a promis de livrer cette année à l'UE environ 15 MMC de gaz naturel liquéfié (GNL). L'UE recherche également d'autres sources de GNL et passe des contrats avec les usines de regazéification flottantes existantes.
Mais remplacer le gaz relativement bon marché livré par gazoduc par du gaz liquéfié très coûteux livré par méthanier nécessite de construire de nouvelles usines de regazéification. Or la construction de celle de Dunkerque a mis six ans et a coûté un milliard d'euros. Autrement dit, en construire davantage ne contribuerait pas à résoudre la crise de court terme actuelle.
Le plan de l'UE pour l'indépendance énergétique annoncé le 8 mars ne parle pas en revanche de nouvelle centrale nucléaire pour affronter cette crise. Et pour cause : si le premier réacteur EPR d'Europe, en Finlande, vient de produire ses 100 premiers MW d'électricité en mars 2022, le projet a été lancé il y a treize ans, en 2005, et a coûté environ 11 milliards d'euros au lieu des 3,4 milliards initialement prévus...
De 26 à 50 dollars par MWh
La réelle solution est donc d'une évidence aveuglante. Les systèmes énergétiques les plus rapides et les moins chers à construire dans l'urgence en temps de guerre sont l'éolien terrestre et le solaire. C'est ce que montrent avec une clarté cristalline les chiffres publiés par la banque d'affaires Lazard (« Levelized Cost Of Energy, Levelized Cost Of Storage, and Levelized Cost Of Hydrogen », 28 octobre 2021).
En attendant d'avoir couvert les espaces vides adaptés, il faudra utiliser le nucléaire existant, les autres gaz que nous pouvons trouver, et en tout dernier recours le charbon
Non seulement les éoliennes terrestres sont les moins chères, avec une fourchette de 26 à 50 dollars par mégawatt/heure (MWh), mais elles sont, comme le solaire, très rapides à construire. Selon windeurope.org, la principale association professionnelle européenne qui regroupe les principaux acteurs de l'éolien (Vestas, Orsted, Ziemens-Gamesa, Acciona, Equinor, EDF, Engie...) « un parc éolien de 10 MW peut facilement être construit en deux mois. Un plus grand parc éolien de 50 MW peut être construit en six mois ».
Le solaire prend même moins de temps. De plus, l'UE possède bon nombre des plus grandes et des meilleures entreprises de fabrication d'éoliennes, de parcs éoliens et de câbles électriques.
Toujours selon Lazard, l'énergie solaire à grande échelle la plus courante a un coût similaire à celui de l'éolien terrestre : une fourchette de 30 à 41 dollars par MWh. En temps de guerre, les meilleures sources d'énergie sont locales, sans besoin d'être alimentées de l'extérieur. Comme le soleil et le vent.
Pour raisons de sécurité nationale
Pourtant, comme nous l'avons vu, la Commission européenne est toujours à la recherche de solutions d'urgence importées. Or, Lazard donnait en 2021 comme plus bas de la fourchette du prix de l'électricité produite au gaz naturel 45 à 74 dollars le MWh. Bien que généralement plus cher que l'éolien ou le solaire, le gaz peut compenser les moments sans vent ni soleil.
Mais Lazard a basé son analyse sur un prix du gaz naturel à 3,45 dollars/million de BTU (British Thermal Unit, unité d'énergie thermique ; 1 MMBtu = 0,293071 MWh), soit à peu près le prix aux Etats-Unis en 2021. Mais le prix payé par l'UE à l'arrivée dans le port en Allemagne était en novembre 2021, avant la guerre, de 27,20 dollars/MMBtu, soit près de huit fois plus qu'aux Etats-Unis ! Ce ne peut être une stratégie d'urgence en temps de guerre...
La véritable solution d'urgence pour remplacer le gaz naturel russe à l'échelle de l'UE est, pour raisons de sécurité nationale, de construire massivement de l'éolien terrestre et du photovoltaïque. Et en attendant d'avoir couvert les espaces vides adaptés, il faudra utiliser le nucléaire existant, les autres gaz que nous pouvons trouver, et en tout dernier recours le charbon.
Les dirigeants politiques doivent commencer à agir comme des dirigeants et l'expliquer fermement : bien que non déclarée, nous sommes en guerre, et nous devons cesser de commercer avec l'ennemi. (Traduit de l'anglais par Isabelle Plat)
Robert Bell est l'auteur de « Les Péchés capitaux de la haute technologie. Superphénix, Eurotunnel, Ariane 5... » (Seuil, 1998) et « La Bulle verte. La ruée vers l'or des énergies renouvelables » (Scali, 2007).
Robert Bell(Professeur de management, Brooklyn College, City University de New-York)
Mobilisés pour faire débrancher la centrale nucléaire de Tricastin
Article de Françoise Valentin dans le Dauphiné Libéré du lundi 14 juin 2021
Depuis le 12 juin, les quatre réacteurs de la centrale de Tricastin ont officiellement passé la barre des 40 ans. Une date symbolique qu'a choisie le collectif Stop Tricastin pour annoncer une série d'actions afin d'alerter sur les risques d'une prolongation de leur activité.
« Le réacteur 1 est une bombe à retardement, il est certainement le plus dangereux du pays ». Le journaliste et auteur du livre " Nucléaire : danger immédiat" , Thierry Gadault, était à Montélimar ce samedi 12 juin, aux côtés d'Alain Volle, militant du collectif Stop Tricastin et de Greenpeace, pour pointer
« l'irresponsabilité dont font preuve EDF et le gouvernement, en présentant la prolongation de la durée de vie de la centrale nucléaire de Tricastin (au-delà des 40 ans d'activité prévus à leur conception, NDLR) comme une évidence industrielle et économique indiscutable ».
Le journaliste, qui enquête depuis une dizaine d'années sur le nucléaire, avait révélé, en octobre dernier, un rapport interne d'EDF datant de 2010. Le document évoquait la découverte de trois nouvelles fissures dans la cuve du réacteur, pourtant existantes depuis l'origine. « C'est déjà grave de découvrir cela 30 ans après. Mais c'est aussi grave de faire un tripatouillage des calculs de ténacité, pour dégager des marges de sécurité dans certaines situations accidentelles, là où il n'y en avait plus. C'est comme falsifier le contrôle technique d'une vieille Deuche qui n'a plus de frein », affirme Thierry Gadault. Il se base sur l'analyse dudit rapport par un universitaire et deux scientifiques. Et à ce problème structurel, il pointe aussi celui du risque d'un vieillissement accéléré de l'acier de la cuve au-delà de 40 ans : « Elle est aujourd'hui aux limites qui ont été fixées par le fabricant. »
• « Trop d'habitants ne voient plus aujourd'hui les risques »
Le journaliste dénonce « l'entente cordiale scandaleuse entre EDF, l'Autorité de sûreté nucléaire et l'IRSN » qui a validé la poursuite d'activité malgré tout, et aujourd'hui « le bon pour le service » qui se dessine, déjà selon lui, vers dix ans de fonctionnement supplémentaire. Ce serait, comme ils le dénoncent, faire fi aussi des risques sismiques et de rupture de la digue.
« L'ampleur de la secousse ressentie à Tricastin après le séisme du Teil du fait du sous-sol alluvionnaire n'était clairement pas prévue. Le risque avait été sous- évalué », poursuit Thierry Gadault. Aujourd'hui, des études du sous-sol sont en cours, menées par EDF à la demande de l'ASN, et la question d'une réévaluation du risque sismique est posée.
Face à « l'enjeu économique » que représente pour EDF la prolongation de fonctionnement de dix années supplémentaires de ce réacteur, « tête de pont pour les 31 autres qui doivent suivre en France », le collectif Stop Tricastin veut agir, en mobilisant la population : « Trop d'habitants ne voient plus aujourd'hui les risques. Or, la prolongation de ce réacteur (numéro 1, NDLR) pour dix ans supplémentaires ferait passer le risque d'accident de "possible" à "probable" », craint Alain Volle. « Nous voulons sensibiliser les riverains du Tricastin avant l'enquête publique qui aura lieu fin 2021-début 2022 » et donc avant la décision finale de l'ASN d'ici 2022.
Dans la centrale nucléaire de Tricastin, un problème électrique a accru le risque d'accident grave
article de Perrine Mouterde dans le journal Le Monde du 28 avril 2021
Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'incident détecté en 2019 sur le moteur d'une pompe souligne l'importance de bien mesurer les effets du vieillissement des installations.
C'est un incident d'apparence anodine, mais qui a accru de façon significative le risque d'un accident majeur d'un réacteur du parc nucléaire français, et qui illustre les difficultés associées à son vieillissement. Telle est l'analyse de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), exprimée dans un avis publié fin mars, à propos de la défaillance du moteur d'une pompe survenue dans la centrale de Tricastin, située à cheval entre la Drôme et Vaucluse.
Le 1er septembre 2019, le réacteur numéro 1 de la centrale est à l'arrêt pour effectuer sa « visite des 40 ans », un examen de sûreté approfondi. Un essai révèle alors un défaut électrique sur le moteur de l'une des deux pompes du circuit de refroidissement à l'arrêt. En cas d'accident, c'est ce système qui permet d'évacuer la puissance que continue à produire le réacteur - même une fois qu'il a cessé de fonctionner - et ainsi d'éviter une explosion. Selon les expertises, la défaillance électrique du moteur - qui a depuis été remplacé - est liée au vieillissement prématuré de câbles, qui n'ont pas été montés de façon optimale.
Pour évaluer l'importance de cet incident, l'IRSN, le bras technique de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), a mené une étude pour quantifier son effet sur la probabilité d'un risque de fusion du cœur du réacteur, et donc d'un accident grave. « Compte tenu de la présence de cette défaillance avérée, nous avons estimé quelle a été l'augmentation du risque de fusion du cœur au cours de cette période,explique Olivier Dubois, adjoint du directeur de l'expertise de sûreté à l'IRSN. Si l'augmentation de la probabilité est supérieure à 1 pour 1 million, nous considérons que c'est un événement dit "précurseur", c'est-à-dire significatif en termes de sûreté. Si elle est supérieure à un pour 10 000, c'est un événement "précurseur particulièrement important". Là, l'augmentation se trouve entre les deux. »
« Pas que les composants majeurs »
Une hausse du risque qui nécessite de traiter la défaillance « le plus rapidement possible » et d'y accorder « une attention particulière ». Selon Olivier Dubois, on recense en moyenne entre cinq et dix événements « précurseurs » par an. EDF, qui exploite les centrales nucléaires, était toutefois parvenu à une conclusion différente de l'IRSN : selon ses études, le problème survenu à Tricastin n'était pas susceptible d'accroître le risque d'accident grave.
Lorsque le moteur de la pompe n'a pas fonctionné, le 1er septembre 2019, le combustible ne se trouvait plus dans le cœur du réacteur et l'incident n'a donc eu aucune conséquence. Le réacteur numéro 1 du site de Tricastin était alors le premier des 32 réacteurs les plus anciens du parc à passer sa quatrième visite décennale. Fin février, l'ASN a ouvert la voie à la prolongation de la durée de vie de l'ensemble de ces installations pour une période de dix ans. La réglementation française ne prévoit pas de « durée de vie » maximale de ces tranches, mais une hypothèse de quarante ans de fonctionnement avait été retenue lors de leur conception.
« Le cas de Tricastin est un très bon exemple du fait qu'il n'y a pas que les composants majeurs comme les cuves et les enceintes qui vieillissent et dont l'importance est cruciale pour la sûreté, souligne Olivier Dubois. Les défaillances peuvent aussi venir des câbles électriques, de certaines pompes ou des moteurs. Même si ces éléments sont remplaçables, il faut repérer les défaillances suffisamment tôt et être donc très attentifs aux méthodes de détection. »
Les câbles électriques liés au problème du moteur de Tricastin, partiellement noyés dans le béton et donc invisibles, sont contrôlés de manière électrique. Les derniers examens, réalisés en juillet 2019, n'avaient pas fait apparaître de défaut particulier. Dans un précédent avis rendu en juillet 2020, l'IRSN recommande à EDF d'améliorer ses méthodes de détection des problèmes électriques. En février, l'ASN a donné trois mois à l'exploitant pour lui présenter un calendrier de résorption de ce défaut. L'entreprise assure que les réponses aux demandes du gendarme du nucléaire sont « en cours d'instruction » et qu'elle ne peut communiquer avant leur envoi formel.
Dans un rapport publié lundi 26 avril, le Groupe international d'évaluation des risques nucléaires (International Nuclear Risk Assessment Group), qui compte parmi ses membres l'ancien président de l'autorité de sûreté américaine Gregory Jaczko ou l'ex-directeur général de la sûreté nucléaire allemande Wolfgang Renneberg, affirme que les prolongations de durée de vie et l'exploitation des vieilles centrales accroissent le risque nucléaire en Europe. « Les processus de vieillissement tels que la corrosion, l'usure ou la fragilisation réduisent la qualité des composants, des systèmes et des structures et provoquent des défaillances », écrivent-ils notamment.
Articles du Dauphiné Libéré du jeudi 11 février 2021
Article du mercredi 10 février 2021 Par France Bleu Drôme Ardèche
Centrale du Tricastin : un collectif antinucléaire manifeste pour l'arrêt de son troisième réacteur
Ce mercredi, cela fait quarante ans, jour pour jour, que le troisième réacteur de la centrale nucléaire du Tricastin a été mis en service. Des militants ont manifesté devant la mairie de Saint-Paul-Trois-Châteaux pour réclamer sa fermeture.
"40 ans ca suffit". C'était le message inscrit sur plusieurs pancartes brandies devant la mairie de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) ce mercredi matin. Une quinzaine de personnes se sont mobilisées pour demander l'arrêt du réacteur numéro trois de la centrale nucléaire du Tricastin, raccordé au réseau il y a quarante ans, jour pour jour.
Stop Tricastin envisage de porter plainte contre EDF
"C'est une vieille casserole, il faut la fermer", fustige Alain Volle, le porte-parole du collectif Stop Tricastin à l'origine de cette manifestion. Ce dernier craint qu'il ne fonctionne encore dans les dix prochaines années, à l'instar des deux premiers réacteurs du site et pour lesquels des contrôles sont en cours. La décision sera bientôt prise pour le réacteur numéro 1.
Alain Volle reste optimiste, le militant espère encore pouvoir faire barrage : "Nous avons des documents qui prouvent que la dangerosité liée aux fissures dans la cuve du réacteur numéro 1 a été minimisée par EDF." Le collectif antinucléaire envisage de porter plainte contre le groupe pour mise en danger de la vie d'autrui.
"Le risque zéro n'existe pas" - Jean-Michel Catelinois, maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux
Le maire de Saint-Paul-Trois-Châteaux Jean-Michel Catelinois, interpellé par les manifestants ce mercredi matin, reconnaît que "le risque zéro n'existe pas". Mais l'élu de la commune où se trouve la centrale estime pouvoir faire confiance à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : "le gendarme du nucléaire".
"Elle effectue régulièrement des contrôles et jusqu'ici elle n'a jamais lancé d'alerte pour fermer ce réacteur", indique Jean-Michel Catelinois, l'un des 33 élus signataires d'une lettre ouverte adressée au patron d'EDF, dans laquelle ils expriment leur volonté d'accueillir un EPR, un réacteur "nouvelle génération" dans la Drôme.
Elsa Vande Wiele
France Bleu Drôme Ardèche
Article du dauphiné Libéré du 30 octobre 2020
Article du Dauphiné libéré du 29 octobre 2020
Article du Dauphiné Libéré du mercredi 14 octobre 2020
EDF révèle des défauts sur les réacteurs de Cruas et du Tricastin en cas de séisme
Près d'un an après le séisme du Teil, EDF révèle, dans un communiqué, que "certains matériels du circuit de refroidissement" des réacteurs de Cruas, du Tricastin, mais aussi de Gravelines, Saint-Laurent, Chinon et Dampierre*, peuvent "présenter un défaut de tenue [...] en cas de séisme".
Ce défaut concerne des supports des tuyauteries du réseau de refroidissement intermédiaire. Celui-ci assure la réfrigération des circuits auxiliaires des installations nucléaires, importants pour la sûreté du réacteur, notamment en cas d'accident.
Contacté, EDF précise que "l'écart a été détecté dans une autre centrale EDF de même type que la centrale du Tricastin. Il concerne plusieurs centrales." L'énergéticien assure que "ce n'est pas lié au séisme du Teil", mais que "cela concerne des accroches qui auraient pu ne pas tenir" et que "c'est lié au renforcement des exigences".
Ces exigences ont-elles été relevées à la suite du séisme du Teil, d'une magnitude de 5,4, le plus important qu'a connu la France en seize ans ? EDF n'avait pas donné de réponse à cette question le 14 octobre au soir.
Pour rappel, lors du séisme du 11 novembre dernier au Teil, l'un des cinq réacteurs de surveillance sismique de la centrale de Cruas avait dépassé le seuil au-delà duquel les réacteurs doivent être arrêtés pour vérifications et la centrale avait été arrêtée.
D'après l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), les exploitants des centrales réévaluent le niveau de séisme à prendre en compte tous les dix ans. Pour les réacteurs de 900 Mégawatts électrique, le niveau de risque pris en compte est celui d'un « séisme majoré de sécurité ». À savoir : un séisme hypothétique d'intensité supérieure au séisme maximal historiquement vraisemblable.
La découverte de ce potentiel défaut de tenue a fait l'objet d'une déclaration d'un évènement significatif de sûreté de niveau 1 sur l'échelle internationale des événements nucléaires (INES) de la part d'EDF auprès de l'ASN, le 29 septembre 2020. Le niveau 1 (sur 7) correspond aux événements classés sans incidence.
* 32 réacteurs en France, d'une puissance de 900 Mégawatts électrique (unité de puissance), capables d'alimenter chacun 500 000 foyers en électricité.
Le 31/05/2020
Retrouvez les articles de presse liés à notre action du 28 Mai :
Article Reporterre
Article France Bleu
Article Dauphine
Défauts de résistance au séisme du circuit d'alimentation en eau brute (SEC) des quatre réacteurs
Publié le 03/04/2020 par l'ASN
Centrale nucléaire du Tricastin - Réacteurs de 900 MWe - EDF
Le 20 février 2020, EDF a déclaré à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un événement significatif pour la sûreté concernant un défaut de résistance au séisme de tuyauteries du circuit d'alimentation en eau brute (SEC) des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin.
Le circuit SEC participe au refroidissement en fonctionnement normal comme en situation accidentelle de l'ensemble des circuits et matériels importants pour la sûreté de l'installation. Le circuit SEC est constitué de deux voies redondantes. Par conception, en cas de défaillance d'une voie, l'autre permet d'assurer les mêmes fonctions.
A la suite de la mise en évidence de sous-épaisseurs sur des tuyauteries du circuit SEC des réacteurs de la centrale nucléaire de Saint-Laurent, dans le Loir-et-Cher, les vérifications conduites par EDF ont montré en novembre 2019 que des tuyauteries des circuits SEC des quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin présentaient une épaisseur insuffisante pour garantir leur résistance en cas de séisme. En cas de séisme, les circuits SEC auraient ainsi pu ne pas être en mesure d'assurer leur fonction de refroidissement des réacteurs.
EDF a remplacé l'ensemble des portions de tuyauteries concernées sur les quatre réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin en décembre 2019, sans attendre la fin des calculs détaillés de vérification de la résistance au séisme des tuyauteries. A l'issue de ces derniers, EDF a déclaré l'événement significatif à l'ASN.
Cet événement n'a pas eu de conséquence sur les personnes et l'environnement. Toutefois, en raison des conséquences potentielles de la perte des voies redondantes du circuit SEC des quatre réacteurs en cas de séisme d'intensité SMHV, l'ASN classe cet événement au niveau 1 de l'échelle INES. Ce classement est provisoire, l'ASN poursuivant l'analyse des éléments transmis par EDF sur les conséquences potentielles de cet événement
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